5 questions pour comprendre les réseaux informatiques du train
Le train dispose de réseaux informatiques englobant les matériels informatiques et les logiciels intégrés. Zoom sur leur fonctionnement et leur développement.
Quand les trains sillonnent le paysage, ils sont aujourd’hui propulsés par un nouveau moteur, invisible : la data. Au cœur du système de contrôle / commande, c’est un ensemble de réseaux informatiques qui est à l’œuvre, où les échanges de données sont permanents.
Publié le
Par La Redaction
Au-delà des opérations à bord, l’intensification des communications entre les matériel roulants et les centres opérationnels (communément appelées « bord – sol »), fait évoluer ce système à une vitesse sans précédent. Entre alors en jeu des disciplines comme l’IoT, l’analyse data, la cybersécurité et toutes les innovations technologiques qui leur sont liées. Olivier Anselmi et David Bourgeois, deux spécialistes du CIM (Centre D’Ingénierie du Matériel) à la Direction du Matériel de SNCF, expliquent ces réseaux et leur développement à travers divers exemples de matériels roulant de différents types d’exploitation comme les trains franciliens et le train fret digital.
Qu’est-ce que le réseau informatique du train, d’où vient-il ?
David Bourgeois : Le réseau informatique du train comprend plusieurs volets. Tout d’abord, il y a le système de contrôle / commande (SCC) qui représente la colonne vertébrale du train. Il est lui-même composé d’un TCMS le « [Train control management system », destiné à la commande et le monitoring, ndlr] et des équipements dits de « basse tensions » [équipements basés sur les technologies filaires, ndlr]. Concrètement, nous retrouvons sur le SCC plusieurs équipements comme les modules d’entrées / sorties, les calculateurs principaux et secondaires, les interfaces conducteurs (« IHM » conduite), et les passerelles réseaux / inter réseaux et de communication bord / sol.
Ensuite vient les systèmes informatiques embarqués (SIE), qui sont considérés comme des systèmes invités (ils ne sont donc pas nécessaires au bon fonctionnement du réseau informatique du train). Englobant le matériel informatique (calculateur) et sa couche logicielle, chaque SIE répond à des fonctionnalités qui lui sont propres, comme la traction, le freinage, le contrôle des portes, la climatisation, etc. Au-delà de ces fonctions qui leur ont été définies, ils échangent des données entre eux dans l’environnement du système contrôle / commande. Enfin, grâce aux informations de testabilités qu’ils transmettent vers les calculateurs principaux, leurs états sanitaires sont aussi centralisés.
Concrètement, que faites-vous pour que les équipements du train s’interfacent parfaitement avec les réseaux informatiques ?
Olivier Anselmi : Les experts qui travaillent sur les équipements invités s’appuient sur les compétences du CIM [Centre d’Ingénierie du Matériel, ndlr] d’un point de vue « embarqué », car leurs logiciels ont un impact sur le périmètre du TCMS. Par exemple, les valeurs des capteurs de température (moteur, ambiante, …) ou de tension de la caténaire vont être d’abord exploitées par le réseau TCMS, avant d’être « consommées » par d’autres équipements de la traction. En somme, notre équipe s’assure que ces logiciels métiers soient correctement mis en place sur le hardware embarqué, et que les données envoyées aux TCMS soient bien maîtrisées. Pour rappel, le conducteur peut suivre la transition de ces données via une IHM [Interface Homme-Machine, comme l’écran d’un pupitre de conduite, ndlr].
Quels sont donc les enjeux de ces réseaux informatiques ?
Olivier Anselmi : Tout d’abord un ordre de grandeur : le calculateur embarqué permet de diviser par 100 l’encombrement par rapport à une armoire de câbles. Ensuite, l’informatisation du système contrôle / commande permet de réduire l’immobilisation du train durant les modifications logicielles. Nous pouvons désormais réduire le temps de mise à jour de nos trains sur un parc complet à quelques jours, sans modification lourde.
David Bourgeois : Tout ce que nous concevons sur les réseaux informatiques du train est lié aux aspects sécuritaires et à la fiabilité. La disponibilité accrue des trains est essentiellement assurée par les redondances de certains équipements, ciblées par une analyse préalable de « sureté de fonctionnement ».
Big data, IoT, 4G, les nouvelles technologies qui lui sont liées sont en plein déploiement. Comment favorisent-elles la production ?
Olivier Anselmi : Aujourd’hui, le train remonte, au conducteur et au sol, les informations concernant son état de santé via un fichier informatique. Grâce à ces données, les équipes de maintenance suivent l’évolution du système train en quasi temps réel. Elles peuvent ainsi télé-diagnostiquer une panne : nous connaissons l’objet d’intervention lorsque le train entre dans un technicentre (atelier de maintenance), et ainsi organiser au mieux la rentrée de l’engin présentant la défaillance, tant d’un point de vue des ressources techniques, organisationnelles qu’humaines.
David Bourgeois : Si une fonction du train tombe en panne, les calculateurs du TCMS envoient un signal au sol dans un délai de 5 à 10 minutes. À l’aide du télédiagnostic, il est désormais possible d’améliorer la détection et la localisation de pannes afin de réduire les temps d’investigation sur train. Cela permet de réguler véritablement toute notre chaîne de production. La pratique du télédiagnostic devient plus courante avec l’arrivée des nouveaux trains franciliens en 2008. Depuis, les nouveaux projets (Regio2N, Regiolis etc.) suivent tous cette même ligne.
Olivier Anselmi : De plus, l’avènement de la 3G et la 4G favorise le flux massif d’information bord – sol. Pour les tram-trains d’IDF, comme la ligne Clichy – Montfermeil, nous avons rendu dynamique l’information voyageur : les écrans à bord et les annonces sonores sont actualisés durant le trajet, informant les voyageurs des travaux en gare, d’éventuels ralentissements sur la voie etc… Dans les coulisses de ces communications bord – sol, nous nous appuyons sur les bases de données qui permettent de voir en temps réel l’état de circulation en Île-de-France. Ces bases de données sont mises à jour en temps réel, et sont utilisées par de plus en plus de trains.
Dans l’avenir, comment vont évoluer les réseaux informatiques du train ?
David Bourgeois : L’informatisation progressive du système embarqué dans les trains a permis de garder une maîtrise modulaire entre les différentes fonctions. Cela implique d’utiliser les réseaux à part entière pour des fonctionnalités bien distinguées. Maintenant que nous maîtrisons l’informatique, et avec une capacité de Gigabit Ethernet, il nous semble désormais possible de revenir sur « un seul fil », c’est-à-dire un câble informatique, où nous distinguerons les différentes fonctions. L’esprit de modularité se traduira par les logiciels. C’est la tendance des évolutions depuis les premiers réseaux informatiques.
Olivier Anselmi : Nous utilisons les objets connectés pour pallier au manque de notre réseau informatique « historique » notamment sur nos matériels d’ancienne génération. Par exemple, si notre réseau ne fournit pas d’information sur la température, nous intégrons un objet connecté avec un capteur de température, et le faisons communiquer avec nos serveurs. Pour le fret digital par exemple, notre équipe a participé à la mise en œuvre de ce projet de rajout de capteurs IoT. Ceci se concrétisant par une amélioration de la sécurité du fret ferroviaire, par automatisation des essais de frein et celle du monitoring en ligne des wagons (freins, essieux, portes, chargement…), ainsi qu’une sécurisation des gestes métiers liés à la production, entrainant une amélioration des conditions de travail.
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