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#Atelier574 – Georges Uzbelger : l’informatique quantique, à la frontière des sciences et de la tech

Ce mercredi 10 avril signe une immense avancée dans l’histoire de l’astronomie. Une équipe de scientifiques baptisée Event Horizon Telescope (EHT) a révélé la première image d’un trou noir, situé dans la galaxie M87. A cette occasion, redécouvrez l’intervention au 574 Saint-Denis de Georges Uzbelger au sujet de l’information quantique.

Publié le

Par La Redaction

Qui ?

En tapant le nom de Georges Uzbelger dans Google, on découvre une bonne quantité de conférences dans lesquelles il parle des applications de l’intelligence artificielle, du Big Data et de l’informatique quantique ; sur les réseaux sociaux, il partage avec autant d’enthousiasme des articles – scientifiques ou pas – dédiés à ces sujets. Impliqué aussi bien dans la recherche que dans le développement d’usage, le mathématicien court entre les établissements d’enseignement, comme L’Ecole polytechnique et IBM France, où il est actuellement en charge de prestations de consulting et de design de solutions dans le cognitif (Watson), l’analytics, le Big Data, et surtout, autour des « qubits » du processeur quantique de l’entreprise.

Quand ?

Le 14 septembre 2018. SpaceX a annoncé, la veille, que la future fusée Big Falcon Rocket va embarquer le premier client privé pour un voyage autour de la Lune à l’horizon 2023. Quelques jours plus tard, l’entreprise a dévoilé l’identité du mystérieux touriste spatial, il s’agit de Yusaku Maezawa, homme d’affaires et collectionneur d’art japonais âgé de 42 ans. « Je vais inviter six ou huit artistes du monde entier à me rejoindre dans cette mission vers la Lune », qui « auront à créer quelque chose à leur retour sur Terre ».

Où ?

Au 574 Saint-Denis, à 630 kilomètres de voies ferrées depuis Bordeaux, où se tenait le festival Novaq du 13 au 15 septembre dernier.

Grandes idées

« Un objet est un phénomène », dit George Uzbelger. Et il prend le cylindre comme un exemple : en fonction de l’angle du regard, il peut être perçu comme étant un carré ou un cercle. En l’absence de perception complète, un phénomène à traiter ne sera qu’une approximation dépendante de l’angle choisi. La perception de la réalité devient doublement complexe quand il s’agit du quantique, car c’est un phénomène que l’on ne peut pas cerner à notre échelle macroscopique, autrement dit, que nous ne pouvons appréhender uniquement à l’aide de nos cinq sens.

Les propriétés du quantique

Si l’on était capable de voyager aux extrêmes connus de l’infiniment petit, on découvrirait tout un monde que l’on percevrait très difficilement, voire pas du tout, à notre échelle. Cet univers, aussi étrange que spectaculaire, est un monde où la physique « classique » ne s’applique plus et doit laisser sa place à celle dite « quantique ». Alors, qu’est-ce que ce « changement » de physique implique ? Une modification complète et radicale de notre compréhension des choses qui nous entourent. Aussi, nous nous attarderons sur ce qui nous permettra de percevoir comment peut fonctionner l’informatique quantique telle qu’elle est travaillée aujourd’hui. Tout d’abord, les « objets » de ce « monde quantique » sont à la fois des particules et des ondes, à l’instar de la lumière, qui présente deux aspects complémentaires : ondulatoire (la longueur d’onde) et corpusculaire (les photons). C’est ce que les physiciens appellent de la « dualité onde-corpuscule ».

Ensuite, une particule quantique est dans tous les endroits, au même moment (spectaculaire et difficilement appréhendable à l’aide de nos cinq sens on vous a dit !). « Ce n’est pas comme si elle était quelque part, sans qu’on le sache, avant que l’on ne l’observe », explique Georges Uzbelger, « c’est que de toute façon, elle est vraiment partout au même moment simultanément ». Cette propriété est appelée « la superposition d’états ».

Et c’est précisément pour cela que « le chat de Schrödinger » est à la fois mort et vivant. Le principe de l’expérience réside dans une succession d’événements basés sur la probabilité de désintégration de l’atome. Plus précisément, l’atome radioactif peut être désintégré ou rester intact. S’il se désintègre, il active un dispositif qui actionne un marteau, qui à son tour brise une fiole remplie de poison. La fiole se trouve dans une boîte où est enfermé un chat. Dans la probabilité où elle se casse, le poison tuera l’animal. Cette expérience de pensée proposée par le physicien a permis de « mathématiser » la superposition d’états selon la probabilité de présence d’une particule dans un domaine particulier. Néanmoins, la propriété de superposition d’états est spécifique à ces phénomènes ultra-microscopiques, et ne peut être transposée à l’échelle macroscopique, notre échelle. Ainsi, dans l’expérience du chat, si l’on ouvre la boîte, l’observateur ne peut voir un félin mort ou vivant (et non pas les deux états en même temps). La physique quantique est donc un point de rupture avec la physique « classique », c’est la « décohérence quantique ». Enfin, les particules quantiques peuvent produire une intrication quantique. Elles sont capables, en quelque sorte, d’échanger entre elles de l’énergie et de l’information quand elles sont proches, et ainsi entrer dans un état « d’intrication ». Elles sont dépendantes les unes des autres, quelle que soit leur distance ; la modification chez l’une, entraîne simultanément un changement chez l’autre. Maintenant que les bases sont posées, intéressons-nous aux applications à l’informatique de ces caractéristiques de la physique quantique.

La puissance des qubits et du processeur quantique

La première personne qui a imaginé exploiter la physique quantique dans l’informatique fut précisément Richard Feynman. À l’instar du bit dans l’informatique « classique », le qubit est l’état quantique qui représente la plus petite unité de stockage d’information quantique, il est donc par définition en superposition d’états. Si, dans le système binaire, un bit peut prendre deux valeurs, soit 0, soit 1 (0 lorsque le courant électrique ne passe pas et 1 lorsqu’il passe), un qubit peut valoir, avec une certaine probabilité, 0, ou 1, ou toutes les valeurs intermédiaires. Du point de vue de l’informatique classique, 1 mot sur 10 bit peut valoir 1 sur 1 024 possibilités (1 mot sur 10 bit = 210 configurations possibles = 1/1024 à l’instant donné). Dans le cadre de l’informatique quantique, le même mot vaut toutes les 1 024 combinaisons possibles simultanément. Le nombre des possibilités que l’on obtient avec N qubits égale 2N.

Qu’est-ce que fait, donc, un processeur quantique ? « Il va être en mesure de manipuler de l’information binaire », résume George Uzbelger, « avec un processeur quantique, on va faire faire des actions avec les qubits, les intriquer les uns avec les autres, et ainsi faire des additionneurs puissants, de calcul des modules au lot, des transformés de fourriers, des fonctions aléatoires, etc. ». Il montre également quelques photos d’un processeur quantique IBM. Celui-ci est constitué de cinq petites jonctions rouges, qui matérialisent la superposition d’états des cinq qubits. En revanche, lorsqu’on est en face d’IBM Q, il est impossible de voir ce processeur car, en réalité, il est plongé dans un grand ballon d’eau, puis le ballon est à son tour entouré de tout un système de refroidissement. L’objectif ? « Maintenir le processeur à des températures proches du 0 absolu (-273,15 degrés Celsius) », condition sine qua non de sa supraconductivité et de ses propriétés quantiques. Selon lui, IBM possède actuellement un processeur doté de 20 qubits, et devra annoncer la sortie d’un processeur 50 qubits dès 2019.

Des applications possibles

« Malgré les datas et les puissances de calcul – qui sont aujourd’hui assez importantes –, ou les algorithmes intelligents, seulement 30% à 40% de ces problématiques sont adressables, même si l’on utilise des HPC (des ordinateurs de calcul à haute performance, ndlr) ou des méthodes spécifiques pour approximer les résultats », rapporte George Uzbelger. L’informatique quantique permet de s’intéresser à toutes les possibilités et trouver l’option la plus cohérente par rapport au problème à résoudre. Imaginez un informaticien qui construit un algorithme qui permet de sortir d’un labyrinthe : en mettant en œuvre les algorithmes exploitant les propriétés quantiques des qubits, il est possible d’explorer tous les parcours possibles afin de trouver la sortie très rapidement. « On transforme un problème de complexité exponentielle en complexité polynomiale », résume George Uzbelger. Selon lui, les applications de l’informatique quantique – qui relèvent de la recherche, mais peuvent illustrer également des applications concrètes dans l’industriel – peuvent être classées dans trois grandes catégories.

1. Enjeu type « voyageur de commerce »

Le problème du voyageur de commerce consiste à minimiser le coût. À l’image d’un voyageur qui, ayant la liste des villes à visiter et les distances à parcourir, doit déterminer un chemin optimal : le voyage doit se terminer dans la ville de départ, et chaque ville ne peut être visitée qu’une seule fois. Cette notion est utilisée, par exemple, dans les secteurs de la supply chain ou de la distribution d’énergie.

2. Enjeu type « sac à dos »

Comment remplir un sac à dos en maximisant la somme de valeur emportée tout en respectant la limite de poids ? On retrouve souvent cette problématique dans l’optimisation du remplissage de containers, ou encore, l’allocation de capacité (énergétique, télécoms, transport etc.).

3. Enjeu type « Monte Carlo »

Les méthodes de « Monte Carlo » permettent d’évaluer statistiquement des scénarios, de valeurs moyennes ou des tendances afin de mieux se projeter dans le futur. Certes, les méthodes de Monte Carlo permettent de réaliser ces calculs intégraux complexes, mais le temps de traitement est considérable. Dans les banques, par exemple, on pourrait déployer l’informatique quantique dans la gestion de portefeuilles ou de risques. Au-delà de ces grandes familles d’applications, l’informatique quantique peut également être utilisée, par exemple, dans la création de nouvelles molécules médicales, ou le séquençage du génome qui permettra d’obtenir une meilleure compréhension des pathologies. Comme la plupart des industriels, SNCF est confronté à des problématiques métier, dans des domaines divers comme l’optimisation de la capacité du réseau, la planification, la traçabilité des actions, la cybersécurité ou encore l’amélioration de l’efficience opérationnelle… L’informatique quantique pourra permettre de résoudre, dans le futur, des cas d’usage bien plus complexes. Elle soulèvera également (et soulève déjà), bon nombre de questionnements nouveaux, sur l’organisation et la sécurisation de l’ensemble des infrastructures informatiques de la planète. Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Punchlines

« D’un point de vue conceptuel, les ingénieurs informatiques vont être amenés à manipuler et exploiter des phénomènes que l’on ne voit pas pour bâtir l’informatique quantique. »

« Comment profiter de la superposition d’états ? Il faut rallonger le temps de cohérence des qubits. Mais les perturbations électromagnétiques font qu’aujourd’hui, le temps de cohérence ne dure que 100 microsecondes. »

« L’ordinateur universel quantique, ce n’est pas pour cinq ou dix ans. Il va y avoir, en revanche, des applications grâce à une hybridation des informatiques traditionnelle et quantique, où la dernière est sollicitée sous forme d’accélérateur. »

« Dans l’informatique, on fait souvent du séquentiel avec ‘si…alors…’, mais l’informatique quantique est du parallélisme. Il faut donc penser quantique et raisonner différemment. Il y aura une conduite de changement dans le développement de cette informatique. »

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