#Atelier574 – « La blockchain et la disruption créatrice » par Primavera De Filippi.
Dans cette conférence au 574 Saint-Denis, Primavera De Filippi revient sur la création de la blockchain et ses propriétés spécifiques, telles que la décentralisation et l’incorruptibilité. Elle nous interroge également sur les crypto-monnaies qui l’utilisent. Ont-elles rempli leurs promesses de départ ? Quel est leur champ d’utilisation ? Peut-on avoir confiance dans le Bitcoin ou Libra ?
Publié le
Par La Redaction
Qui ?
Primavera De Filippi est une experte mondiale de la blockchain. Elle est chercheuse au CERSA (unité mixte du CNRS et de l’Université Paris II) et chercheuse associée au Berkman Center for Internet & Society (Université de Harvard).
Où ?
Au 574, le siège parisien de SNCF Digital situé à Saint-Denis (93), soit à environ 680 kilomètres de Blagnac, dans la banlieue de Toulouse, où est localisé le constructeur aéronautique européen Airbus.
Quand ?
Mardi 1er octobre 2019, soit 128 ans jour pour jour après la fondation de l’Université de Stanford en Californie, classée parmi les meilleures universités au monde.
Qu’est-ce que la blockchain ?
« L’idée principale de la blockchain est la désintermédiation » introduit Primavera De Filippi. On peut ainsi faire une analogie avec internet qui a désintermédié l’information, c’est-à-dire que tout d’un coup on peut communiquer directement entre pairs sans avoir à passer par des opérateurs centralisés. Le problème d’internet se pose quand on veut échanger de l’argent ou toute autre ressource dont la valeur dépend de sa rareté. L’utilisateur doit passer par des intermédiaires financiers (banques, Paypal, etc …) qui vont vérifier que personne ne peut dépenser plus d’argent que ce qu’il possède réellement. Ce système ne fonctionne que lorsque l’on fait confiance à ces opérateurs. La question est donc de savoir si l’on peut échanger de l’argent ou des ressources numériques qui sont rares sans passer par un opérateur de confiance.
L’idée principale de la blockchain est la désintermédiation.
Bitcoin, qui a été créé en 2009, est la première application de la blockchain qui a essayé de répondre à ce problème. « Contrairement aux monnaies traditionnelles, telles que le dollar ou l’euro, qui sont émises par une banque centrale et donc contrôlées par des états, l’émission des Bitcoins est déterminée par un protocole informatique qui va définir précisément la quantité de Bitcoins créés (21 millions) et la vitesse à laquelle ces Bitcoins peuvent être générés (aujourd’hui 12,5 Bitcoins toutes les 10 minutes en moyenne). Les Bitcoins ne sont pas créés à partir de rien, ils sont générés à chaque fois qu’un ordinateur va réussir à trouver la solution à un problème informatique : c’est le processus du minage. Plus de personnes essaient de résoudre ce problème, plus la solution est difficile à trouver » explique Primavera De Filippi.
Chaque bloc de transaction incorpore une référence au bloc précédent, si quelqu’un modifie une transaction, cela va modifier la référence et donc briser la chaîne.
Comment peut-on faire confiance à cette technologie des Bitcoins ? « La solution est de s’appuyer sur la blockchain, une infrastructure technologique qui va combiner des primitives cryptographiques avec des systèmes de réseaux décentralisés afin que l’on puisse effectuer des transactions sécurisées » explique-t-elle. Ainsi à chaque fois qu’un acteur veut transférer des Bitcoins sur ce réseau, il va communiquer cette transaction et tous les acteurs du réseau vont vérifier que cette transaction est bien valide d’un point de vue mathématique mais aussi qu’elle remplit tous les critères du protocole. « Chaque bloc de transaction incorpore une référence au bloc précédent, si quelqu’un modifie une transaction, cela va modifier la référence et donc briser la chaîne » ajoute-t-elle.
De la blockchain aux crypto-monnaies
Est-ce que Bitcoin remplit les fonctions d’une monnaie traditionnelle qui sont l’unité de compte, le moyen de paiement et la réserve de valeur ? « Aujourd’hui, il n’arrive pas à remplir les deux premières fonctions car il y a une forte volatilité. La valeur de Bitcoin est passée de quelques centimes en 2009 à pratiquement 20 000 euros fin 2017 pour redescendre aujourd’hui aux alentours de 7000 euros. Cela rend donc difficile son utilisation en tant qu’unité de compte. Même chose en tant que moyen de paiement, le coût de transaction impliqué dans le transfert des Bitcoins dépend de la valeur des Bitcoins. On a donc eu des périodes en 2017 où pour effectuer des transactions, cela coûtait 50 euros. C’est un moyen de paiement extrêmement coûteux, beaucoup plus que les alternatives telles que Paypal » répond Primavera De Filippi.
« Aujourd’hui, la fonction principale de Bitcoin est donc la réserve de valeur voire un instrument de spéculation » ajoute-t-elle. Les promesses de départ de Bitcoin, qui étaient la création d’une monnaie globale avec un transfert immédiat et des coûts de transaction bas, dans le but de potentiellement donner des moyens aux personnes qui sont exclues du système financier, notamment les pays en développement, n’ont donc pas été tenues.
Le Libra coin quant à lui, est une initiative lancée par Facebook. Cette crypto-monnaie, contrairement à Bitcoin n’utilise pas la Blockchain publique, mais a créé une Blockchain de consortium, qui est contrôlée par une variété d’acteurs qui font partie de Visa, Paypal, Mastercard, ou encore des entreprises telles que Lyft, Uber, ou encore Spotify. « Libra est une crypto-monnaie beaucoup plus stable que Bitcoin, et n’a pas de limite de création contrairement à Bitcoin » conclut Primavera De Filippi.
« Aujourd’hui, la fonction principale de bitcoin est la réserve de valeur voire un instrument de spéculation. »
Des avantages de la blockchain dans la cybersécurité
Tout d’abord, chaque nœud du réseau possède une copie de la blockchain, c’est la décentralisation. Dans un souci de transparence, tout le monde peut vérifier si les opérations sur le réseau sont correctes, et l’utilisateur n’a pas besoin de donner son identité individuelle pour participer au réseau.
Ensuite, chaque personne détient une copie de la blockchain. Le réseau est donc très difficile à stopper et peut être relancé très facilement, c’est le principe de résilience. A savoir également que toutes les transactions sont toujours signées avec la clef de l’acteur qui va l’enregistrer.
Enfin, selon Primavera De Filippi, la blockchain a un atout non négligeable : l’incorruptibilité. Étant donné les mécanismes de cryptographie et de référencement, le modèle de la blockchain est tel qu’on ne peut pas modifier ou effacer les informations.
[ #Atelier574 ?] « À nous de trouver les bons cas d’usage à ce type de technologie» conclut @HenriPidault au sujet de la #blockchain aux côtés de @yaoeo pic.twitter.com/xNeZQ7Mb5c
— SNCF_Digital (@SNCF_Digital) 1 octobre 2019