#Atelier574 – La guerre des métaux rares par Guillaume Pitron
La transition énergétique et numérique nécessite des métaux rares pour créer les principaux composants de toutes les technologies, de la batterie d’une voiture à l’écran d’un smartphone. Quelle est l’incidence environnementale, sociale, économique et géopolitique de l’extraction de ces métaux ? Dans quels pays peut-on les trouver ? Dans cette conférence au « 574 », Guillaume Pitron explique comment cette transition, même si elle est nécessaire pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, n’est pas sans conséquences sur l’environnement et sur les hommes.
Publié le
Par La Redaction
Qui ?
Guillaume Pitron est journaliste, auteur et réalisateur. Il a publié en 2018 _le livre_ « La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique » aux Editions LLL. Il est également lauréat d’une douzaine de prix français et étrangers, dont le _prix Erik Izraelewicz_{target=_blan} de l’enquête économique, le grand prix BFM Business du livre d’économie et la Bourse des talents de la Fondation Lagardère.
Où ?
Au 574, le siège parisien de la Direction Générale e.SNCF, situé à Saint-Denis(93), soit à environ 11 kilomètres de la ville de Paris, où le premier stylo à bille a été inventé en 1938 par le journaliste hongrois László József Biró.
Quand ?
Vendredi 7 décembre 2018, soit 130 ans jour pour jour après le dépôt du brevet du premier pneu à air par l’inventeur écossais John Boyd Dunlop.
Les métaux rares : l’or noir du XXIème siècle
« Par quelles ressources allons-nous pouvoir remplacer le pétrole ? C’est une question fondamentale car nous vivons aujourd’hui une transition énergétique. Cette transition repose sur un constat simple : les énergies fossiles sont responsables du réchauffement climatique et du désastre environnemental. Il faut donc limiter ces énergies et basculer sur des nouvelles énergies comme les panneaux solaires, les transports électriques, les éoliennes, la numérisation qui permet d’améliorer l’efficacité énergétique… « Pour autant, ces technologies utilisent aussi des ressources : les métaux rares », affirme Guillaume Pitron en début de conférence.
Dans la nature, nous avons des métaux abondants comme le fer, le cuivre ou encore le zinc. Mais, on trouve aussi d’autres métaux dans des proportions infiniment moindres. Depuis une trentaine d’années, ces métaux rares sont utilisés pour un certain nombre de technologies vertes dont nous avons tellement besoin que leur consommation explose. « Ces métaux rares sont le nouvel or noir », déclare ainsi Guillaume Pitron. Il existe une trentaine de métaux rares tels que le gallium, le cobalt, l’indium, le tungstène, le béryllium… Ce sont des marchés très restreints avec des prix relativement élevés. Et ces métaux sont critiques, c’est-à-dire qu’il y a des risques de pénuries d’approvisionnement.
Les enjeux des transitions énergétique et numérique
À quel coût et où allons-nous chercher ces fameux métaux rares ? Leur extraction aura-t-elle des impacts sur l’environnement et sur les hommes ?
La région du Jiangxi, en Chine, est une des zones principales d’extraction de terres rares de la planète. « On extrait des terres rares dans des conditions épouvantables pour l’environnement. On a donc des mines gigantesques à ciel ouvert, des zones entières déforestées pour faire place aux mines. Et puis, pour raffiner ces terres rares, on a besoin d’énormément d’eau, de produits chimiques, et les eaux usées sont rejetées directement dans les sols et dans les nappes phréatiques. Plus rien ne pousse, c’est un véritable poison », affirme Guillaume Pitron. La Chine a donc sacrifié son environnement pour fournir le reste de la planète en métaux rares.
La solution pourrait être de recycler ces métaux rares. Or, aujourd’hui, le recyclage est très coûteux pour les entreprises, car il faudrait défaire les alliages de métaux dans chaque technologie. Les industries préfèrent donc rejeter dans la nature les métaux rares plutôt que de les recycler, puis se resservir dans la mine et aggraver les impacts environnementaux. « Les énergies renouvelables requièrent des ressources qui sont non-renouvelables. Les ressources d’un monde plus durable freinent les modèles d’économie circulaire », explique ainsi Guillaume Pitron.
« Avec les énergies renouvelables, on assiste à une délocalisation de la pollution et de la responsabilité environnementale. On ouvre des mines dans des pays comme la Chine, mais pas en France, de sorte que cette pollution soit invisible », ajoute-t-il.
[ #Atelier574 ] Aujourd'hui, nous recevons le journaliste, auteur et réalisateur @GuillaumePitron ?venu nous sensibiliser sur nos actions #digitales, qui, #dématérialisées, sont perçues comme inoffensives pour l'#environnement mais qui génèrent en fait des impacts #écologiques. pic.twitter.com/1zWrvat5ku
— SNCF Digital (@SNCF_Digital) 7 décembre 2018
Géopolitique du monde des énergies renouvelables
Certains états seront-ils les grands commerçants de ces métaux ? Peut-on envisager une guerre économique de ces métaux ?
Des pays deviennent spécialistes de ces métaux rares, tels que les Etats-Unis, la Russie, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Congo et, bien sûr, la Chine qui possède un quasi-monopole.
La solution serait donc d’aller chercher des métaux rares ailleurs, car ils sont présents dans de nombreux pays de la planète (Etats-Unis, Afrique, Australie…), et ainsi, contourner le monopole chinois. Ou de mettre en place des extractions dans les territoires marins, voire même pourquoi pas à l’avenir, dans l’espace. « Il y a donc une nouvelle géopolitique des énergies renouvelables qui s’organise », déclare le journaliste.
Que faire alors ?
« L’ADN de ces discours sur les énergies renouvelables est de diminuer l’impact de l’homme sur l’environnement, or, au nom de ces discours, nous sommes en train de l’accroître. Nous allons dans la direction inverse que celle annoncée parce qu’il nous faut ces matières premières. Un jour se posera la question d’une nouvelle transition, parce que les coûts environnementaux, économiques et sociaux seront supérieurs aux avantages que cette transition énergétique et numérique nous procure », explique Guillaume Pitron.
Malgré tout, cette transition énergétique et numérique est nécessaire car elle limite les émissions de gaz à effet de serre, même s’il ne faut pas oublier les conséquences écologiques sur les sols, les eaux… « Il faut donc engager une véritable prise de conscience citoyenne, en créant des labels à disposition des consommations pour connaitre l’empreinte écologique de chaque produit, assurer la traçabilité de la matière et rationnaliser la ressource », conclut Guillaume Pitron.
D'une conférence donnée hier à la @SNCF_Digital, il ressort cette étonnante illustration (reproduite en time lapse) qui synthétise un peu tout ce que j'ai pu dire depuis le début de l'année! #Atelier574 @GroupeSNCF #metauxrares #economiecirculaire pic.twitter.com/QehuopVAqA
— Guillaume Pitron (@GuillaumePitron) 8 décembre 2018
Punchlines
– « Ces métaux rares sont le nouvel or noir. »
– « Avec les énergies renouvelables, on assiste à une délocalisation de la pollution et de la responsabilité environnementale. »
– « Les énergies renouvelables requièrent des ressources qui sont non-renouvelables. Les ressources d’un monde plus durable freinent les modèles d’économie circulaire. »