#Atelier574 – « La place de l’humain dans le Digital », par Olivier Bas
Dans cette conférence au « 574 », Olivier Bas, vice-Président d’Havas, donne des conseils pour réussir la transformation digitale d’une entreprise. Selon lui, l’humain doit être au cœur de cette transformation, aussi bien dans les relations entre collaborateurs que dans la façon de manager une équipe. Le changement culturel ne s’opérera que si l’ensemble des collaborateurs évolue dans un environnement « psychologically safe », où la prise de risques est encouragée.
Publié le
Par La Redaction
Qui ?
Olivier Bas est vice-Président d’Havas Paris depuis 2011. Il enseigne également à la Sorbonne-Nouvelle dans le cadre du Master 2 Communication des institutions et des entreprises. Il est aussi auteur – son dernier livre, « #Like ton job : Comment vivre avec bonheur la transformation digitale », a été publié en 2018 aux éditions Dunod
Où ?
Au 574, le siège parisien de la Direction Générale e.SNCF, situé à Saint-Denis (93), soit à environ 492 kilomètres de Saint-Etienne, où la première ligne de chemin de fer française reliant Saint-Etienne à Andrézieux a été mise en service le 30 juin 1827.
Quand ?
Jeudi 31 janvier 2019, soit 61 ans jour pour jour après le lancement d’_Explorer I_, le premier satellite américain.
La transformation digitale passe avant tout par l’humain
« Le facteur principal d’une réussite de transformation digitale est humain. Si on ne prend pas en compte cette dimension-là, on se plante de manière importante », explique Olivier Bas, chiffres à l’appui. En effet, 52% des entreprises notées par l’indice du Harvard Business Review ont disparu depuis 2000. Selon une étude Havas sur les nouveaux leaderships, seulement 33% des gens interrogés pensent que les leaders dans 20 ans font déjà partie des leaders d’aujourd’hui. Enfin, d’après une étude de Forrester Consulting, 60% des transformations digitales échouent pour des raisons humaines.
L’équilibre normal d’une entreprise est composé d’un tiers de comportements contraints, un tiers de comportements de reproduction et un tiers de comportements nouveaux. Or, quand on est en période de transformation, il y a un bouleversement de cet équilibre, car la transformation induit ce qu’on appelle le « psychological unsafety» à cause de l’incertitude du futur. On assiste donc à 60% de comportements habituels, 30% de comportements contraints, et seulement 10% de comportements nouveaux. « Au moment où il faudrait se comporter différemment, prendre des décisions risquées et oser des nouvelles choses, on va avoir une tendance naturelle à se recroqueviller, alors que l’on a besoin de s’ouvrir », précise-t-il.
La révolution numérique, perturbatrice du « psychological safety »
La révolution numérique perturbe le « psychological safety » de plusieurs façons. D’abord, elle perturbe la prise de décision. « Quand je suis face à une situation nouvelle, la partie émotionnelle de mon cerveau prend le relai et envoie un message négatif, ce qui crée le doute et génère la prise de demi-décisions qui, elles, créent le bordel²», explique Olivier Bas. Pourtant, pour se transformer, il faut être radical dans ses décisions, il faut prendre des risques et créer de la rupture… Sauf que notre cerveau émotionnel, à cause du « psychological unsafety », nous amène à faire le contraire. « C’est ce que j’appelle la théorie du triple con : la peur de la CONfrontation (au réel) fabrique de faux CONsensus qui créent de vraies CONfusions », poursuit-il.
La révolution numérique impacte ensuite l’évolution des relations de travail. « Nous pensons que pour aller vite, la communication électronique va nous faire gagner du temps, je ne le crois pas, je crois que nos boites emails sont devenues des machines à embrouilles. Il faut remettre de la relation et prendre du temps pour se parler, car c’est comme cela qu’on va trouver des bonnes solutions. La conjonction de l’injonction électronique et de la rapidité participe au ‘psychological unsafety’ », explique l’auteur.
Avec le numérique, une autre façon de manager devra être trouvée. « Nous n’avons jamais eu autant besoin de management, en revanche, il faut une autre manière de manager », annonce-t-il. En effet, l’entreprise a absolument besoin de managers car ce sont des fabricants de « psychological safety ». Pour cela, il faut du lâcher-prise. Si vous voulez que quelqu’un fasse un progrès, il faut qu’il sorte de sa zone de confort et qu’il passe par une zone de risque. « Le rôle du manager, c’est de remplacer la peur de l’échec par le plaisir de l’essai », ajoute Olivier Bas.
Enfin, une nouvelle logique d’action verra le jour. En effet, pendant très longtemps, les systèmes ont fonctionné sur le triptyque « Expérience, Expertise, Excellence ». « Cela sous-entendait trois choses : la patience, la maîtrise de la technique du métier, et la fuite de l’échec. Sauf qu’aujourd’hui, on n’a pas le temps d’être patient, les compétences techniques sont vite obsolètes et on ne prend pas de risques lorsqu’on fuit l’échec », explique-t-il. Il faut donc remplacer par Expérimentation, ExpertiseS et Excellence. « L’expertise est liée à la capacité d’expérimenter des solutions nouvelles, ce qui nécessite des solutions comportementales, des compétences collaboratives et de l’intelligence collective », conclut-il.
Les leviers de la transformation culturelle
Changer une culture dure entre 5 et 10 ans en fonction de la prégnance de la culture. « Ma conviction : si on veut aider les gens à sortir de leur zone de confort, changer leur manière de penser et de travailler, est qu’il faut activer 3 leviers simultanément », explique-t-il. Il faut un levier structurant – c’est-à-dire encoder de nouvelles règles -, un levier stimulant -soit stimuler les nouvelles façons de faire -, et enfin un levier symbolique, afin de bousculer les croyances.
La transformation du « mindset » est un entrainement permanent : il faut stimuler sur la durée. Par exemple, on peut créer des challenges pour les managers, ou faire noter les réunions avec des étoiles sur une appli par les participants. « Le feedback, c’est évaluer pour évoluer », dit-il. « Pour que ce feedback se passe bien, il faut bien entendu de la bienveillance dans l’environnement professionnel, car elle est essentielle pour le psychological safety », conclut-il.
Punchlines
– « Le facteur principal d’une réussite de transformation digitale est humain. Si on ne prend pas en compte cette dimension-là, on se plante de manière importante. »
– « C’est ce que j’appelle la théorie du triple con : la peur de la CONfrontation (au réel) fabrique de faux CONsensus qui créent de vraies CONfusions. »
– « Nous n’avons jamais eu autant besoin de management, en revanche il faut une autre manière de manager. »