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#Atelier574 – « Stratégies d’adaptation et d’innovation : le point de vue d’un paléoanthropologue » par Pascal Picq.

Dans cette conférence au « 574 », Pascal Picq explique comment l’évolution des espèces est au cœur des préoccupations actuelles. En effet, celle-ci permet aux êtres humains de s’adapter à la nouvelle ère numérique dans laquelle ils se trouvent. Comment peuvent-ils donc s’intégrer dans ce nouvel écosystème ? Qu’est-ce que l’innovation darwinienne ? Autant de questions auxquelles il nous répond en s’appuyant sur l’Histoire de nos civilisations.

Publié le

Par La Redaction

atelier 574 pascal picq

Qui ?

Pascal Picq est un paléoanthropologue français et maître de conférences au Collège de France. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages, dont « L’intelligence artificielle et les chimpanzés du futur », publié aux éditions Odile Jacob et « Sapiens face à Sapiens » publié aux éditions Flammarion en 2019.

Où ?

Au 574, le siège parisien de SNCF Digital situé à Saint-Denis (93), soit à environ 8738 kilomètres de Las Vegas, aux États-Unis, où a eu lieu le premier test public de l’Hyperloop le 11 mai 2016. Lors de ce test, le train s’est propulsé à 185 km/heure sur une distance de 50 mètres.

Quand ?

Mardi 12 novembre 2019, soit 82 ans jour pour jour après l’inauguration de l’aéroport international du Bourget.

Innovation lamarckienne VS innovation darwinienne

Comment se fait l’évolution ? Et comment les sociétés humaines et celles des grands singes évoluent avec l’environnement technique et culturel ? Aujourd’hui, à l’ère numérique, nous sommes en plein dans le sujet. « Les préhistoriens sont donc peut-être les mieux outillés pour aborder ces questions de société d’innovations technologiques, d’usages et de changement » introduit Pascal Picq. « J’ai écrit un livre qui s’appelle « Un paléontologue dans l’entreprise », où j’évoquais les deux typologies majeures d’innovation auxquelles nous sommes confrontées : l’innovation lamarckienne et l’innovation darwinienne » explique-t-il.

Jean-Baptiste de Lamarck, il y a deux siècles, a eu une idée absolument géniale : celle de l’adaptation. Le principe, c’est que l’environnement change et pose des problèmes aux espèces, et nous mobilisons nos capacités internes pour répondre à ce problème. Donc l’innovation lamarckienne est une innovation dans laquelle les problèmes attendent leurs solutions. Cela pose un souci épistémologique important : et si l’environnement ne bouge pas, que fait-on ? On ne fait rien.

atelier 574 pascal picq

Les préhistoriens sont donc peut-être les mieux outillés pour aborder ces questions de société d’innovations technologiques, d’usages et de changement.

Pascal Picq, Paléoanthropologue

Nous avons vécu pendant deux siècles le premier âge des machines avec l’idée qu’il fallait améliorer la condition de vie des sociétés humaines à travers les techniques, la médecine, l’éducation, les droits sociaux et ceci a été le modèle de l’Occident qui a fini par dominer à la fin des années 1990. Mais évidemment cela a changé, car l’évolution ne s’arrête jamais. Il y avait trois mouvements qui étaient en cours mais que l’on avait négligés : la prise de conscience écologique, de profondes modifications sociales, et évidemment la révolution numérique. Cette révolution numérique depuis les années 1990 a profondément impacté la société en créant des inégalités entre les personnes très riches de plus en plus nombreuses et les personnes pauvres, elles aussi, plus nombreuses. Nous avons donc pu apercevoir un recul des classes moyennes.

« Les théories darwiniennes sont les théories des variations et de sélections. Avec le numérique, nous sommes entrés dans un monde de variation/sélection, c’est-à-dire comment en innover en interne, mais aussi comment innover avec les startups, ou les sélectionner par exemple » explique-t-il. D’un seul coup nous avons basculé dans un nouveau monde qui interfère avec l’ancien monde, nous sommes toujours dans un monde où les problèmes attendent leurs solutions, mais qui va à l’encontre d’un nouveau monde où les solutions attendent leurs problèmes. Dans le monde darwinien, les inventions sont déconnectées des innovations, c’est-à-dire qu’elles émergent sans forcément correspondre à un problème de l’entreprise ou de la société. « C’est cela qu’on appelle l’espace digital darwinien, c’est-à-dire comment nous adapter dans un environnement dans lequel partout dans le monde émergent des inventions qui peuvent, si elles sont sélectionnées, devenir des innovations capables de bousculer tout un secteur économique et social » détaille le spécialiste.

S’adapter à un écosystème

Le vrai enjeu aujourd’hui est donc l’adaptation à un écosystème. « Les économies des écosystèmes, c’est comment on crée des services, du business, de la plus-value et donc comment on étend nos performances, nos adaptations dans le secteur économique » développe Pascal Picq. Un écosystème est l’ensemble des populations des différentes espèces qui interagissent entre elles. Dans un écosystème, plus il y a d’acteurs diversifiés, plus ces acteurs peuvent rendre des services plus ou moins gratuits, ce qui a notamment permis la création d’une économie de plateforme. L’avantage de l’écosystème est que plus il est résilient, plus vous avez d’interdépendance avec les autres, plus cela sera difficile de prendre votre place. Donc l’économie actuelle n’est plus la chaine de valeur de l’économie d’avant où on vend un billet de train au meilleur prix possible pour améliorer la chaine de valeur et les services. Aujourd’hui tout est intégré dans un ensemble de valeurs sur lequel la plus-value n’est pas à tous les seuils. C’est donc une philosophie radicalement différente.

atelier 574 pascal picq

C’est cela qu’on appelle l’espace digital darwinien, c’est-à-dire comment nous adapter dans un environnement dans lequel partout dans le monde émergent des inventions qui peuvent, si elles sont sélectionnées devenir des innovations capables de bousculer tout un secteur économique et social.

Pascal Picq, Paléoanthropologue

Autre chose dans un écosystème, grâce à sa résilience, il va pouvoir mieux résister aux espèces invasives. « Darwin avait compris cette chose extraordinaire : face à un monde que l’on ne connaît pas, la meilleure façon de survivre c’est la diversité. On ne peut plus avancer sans tenir compte de l’évolutions sociales et des inégalités et des changements d’environnement, parce que dans un écosystème, les conditions objectives physiques de l’environnement sont primordiales, et si cela se dégrade évidemment cela pose des problèmes : on est en plein dedans aujourd’hui » poursuit-il.

Alors se pose la question de ce que la transformation numérique veut concrètement signifier. « C’est un top management qui a une vision stratégique de la transformation numérique et des enjeux. C’est s’appuyer sur les compétences internes de l’entreprise mais en allant chercher des compétences extérieures notamment les startups, et c’est surtout faire de la modularité, donc aller chercher de la diversité. On voit bien qu’aujourd’hui la révolution numérique n’est pas qu’une question d’outils, mais qu’elle change totalement notre manière de travailler dans les entreprises » conclut-il.

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