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Chroniques de San Francisco – Vers une nouvelle révolution spatiale ?

« On voulait des voitures volantes. A la place, on a eu 140 caractères » : c’est avec cette formule bien représentative de sa verve mesurée que Peter Thiel déplorait – à raison – les promesses non tenues de la Silicon Valley. Mais force est de constater le changement de tendance en marche depuis quelques années : de jeunes mastodontes se battent pour donner tort à Thiel, le regard tourné vers les étoiles. Au vu du travail de SpaceX, Blue Origin ou encore Planet, peut-on encore douter du renouveau de la conquête spatiale ? De passage en France, Kevin Smouts du 574 San Francisco (dont la première chronique est à retrouver ici) s’est rendu à Saint-Denis pour présenter les dernières avancées dans le domaine de l’espace. Décryptage.

Publié le

Par La Redaction

Changement de modèle, privatisation et nouveaux marchés

Kevin Smouts commence par le constat d’un changement de paradigme : que ce soit pour le tourisme (Virgin Galactic), le développement industriel (Blue Origin) ou la survie humaine (SpaceX), le voyage spatial est devenu un but à atteindre. Et pour que ce rêve devienne rapidement réalité, l’Etat a dû céder sa place au secteur privé : « Rétrospectivement, la seule manière de véritablement développer l’espace est de le tourner en industrie, qu’il ne reste pas la chasse gardée des états ». 

Kevin rappelle que 1,8 milliards de dollars ont été investis dans des entreprises spécialisées dans l’espace pour la seule année 2015. Cet intérêt soudain du financier est dû à un changement complet de modèle dans l’économie spatiale. La concentration du secteur  – monopole public, matériels extrêmement coûteux, rare réutilisation – a laissé place à un phénomène inversé: le privé a pris la main, les engins se multiplient en privilégiant des modèles moins couteux (Nanosat ou Cubesat, Microsat), les usages changent (espionnage contre Google Maps) et surtout l’industrialisation devient un objectif primordial. Un bon exemple de cette évolution est donné par Planet : là où une entité publique envoyait un unique et énorme satellite, la startup en envoie quarante. Petits, peu coûteux, ses modèles de Nanosat sont en théorie facilement remboursables. Si dans la pratique l’entreprise peine économiquement, son modèle n’en reste pas moins le plus adapté.

nanosat1 http://www.nanosats.eu/
microsat http://www.nanosats.eu/

Malgré ce que ces changements laissent supposer, secteur public et privé ne s’opposent pas. Comme le démontre Kevin, l’évolution actuelle est fortement incitée par le secteur public lui-même : le programme COTS (Commercial Orbital Transportation Services) a donné le droit à la NASA d’investir dans des entreprises privées (d’où le financement de SpaceX), le SpaceACT a permis l’appropriation des ressources extra-terrestres par ces dernières, la recherche se partage entre les deux secteurs…  En somme, l’espace devient le terrain d’innovation des entreprises privées, le secteur public tenant le rôle de mentor bienveillant.

« Is there life on Mars? » : l’exemple de SpaceX

Vous prélasser sur l’Olympus Mons, ça vous tente ?  Elon Musk, directeur de SpaceX, vous le promet d’ici 2025. « Aussi surréaliste que cela semble être, la startup a les fonds et l’architecture pour délivrer à temps », précise Kevin. « Car en plus de détenir la plus grande et la plus puissante fusée jamais créée, d’avoir des plans très précis pour la réutilisation de son matériel ou la création de carburant directement sur Mars, SpaceX a construit un business model viable basé en grande partie sur le très lucratif marché de l’envoi de satellites – envois qu’ils effectueront via leurs propres lanceurs ». SpaceX ne se borne pas au voyage en lui-même. Par exemple, consciente des besoins en télécommunication une fois sur la planète rouge, la startup a installé une antenne à Seattle dédiée à la création de satellites de communication. En plus de les roder sur Terre, l’idée est d’amasser d’importants fonds via ce nouveau réseau – toujours dans le but de financer le développement du voyage martien.

propulseurs fusées

Kevin le précise : l’un des points d’achoppement – et force – de SpaceX est la réutilisation de la majorité de ses composants. Pourquoi ? Imaginez si un avion était jeté après chaque vol… Le prix du billet atteindrait rapidement des sommes astronomiques ! La logique est la même pour le voyage martien : un seul lanceur devrait envoyer plusieurs têtes et charges en orbite (carburant, personnes, matériel), jusqu’à ce que ces dernières s’assemblent et partent ensuite vers Mars.

Niveau calendrier, le premier lancement de la fusée Falcon Heavy devrait s’effectuer l’année prochaine. Les missions Red Dragon devraient également débuter en 2018 : sera envoyée sur Mars, avec Falcon Heavy, une petite capsule prouvant la viabilité du voyage. Mars n’a donc jamais été aussi proche.

La conquête spatiale au service de la Terre

« En cherchant dans les étoiles avec un télescope nous est venue l’idée du microscope ». C’est avec cette remarque de Neil deGrasse Tyson que Kevin entame la dernière question de sa conférence : comment la recherche spatiale impacte l’activité terrestre ? L’espace a toujours été créateur d’innovations: panneaux solaires (l’année dernière, ces derniers représentaient 49% de la création de centrales énergétiques), plats congelés, filtres à eau, défibrillateurs… Et la nouvelle « révolution spatiale » ne déroge pas à la règle.

En plus de présenter toutes les tendances industrielles actuelles (Space X utilise intensivement l’impression 3D, les technologies de maintenance prédictive et recrutent ses directeurs d’usine chez Volkswagen, tandis que Blue Origin est adepte du bêta-testing), la conquête de l’espace représente un énorme potentiel de création d’emplois : « Les lanceurs et les satellites ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Derrière se cachent plusieurs industries qui peuvent se déployer ici, sur Terre, avec beaucoup d’emplois à la clé », présente Kevin. Il cite comme exemple le contrôle au sol qui se rapprochera des tours de contrôle d’avion. «  Et n’oubliez pas l’ensemble des services qui vont pouvoir se développer autour des données, de leur collecte à leur analyse en passant par la revente et la distribution ! Par exemple, des startups alliant Big Data et intelligence artificielle se sont déjà créées pour répondre au problème de qualité des images satellitaires de Planet ».

industrie_spaciale

Pour approfondir son propos, Kevin reprend l’exemple de Mars : « Il va falloir réfléchir à des habitations sur la planète, il y a déjà des propositions (Bigelow Aerospace). Pensez à la nourriture, aux transports, à l’électricité… Il y a un vrai potentiel pour de nouvelles industries : ça a déjà été le cas lors de la conquête de la Lune, où énormément d’inventions ont ensuite été utilisées dans le domaine civile.  C’est assez excitant de voir l’impact que ce rêve peut avoir sur l’économie ». Et de conclure à l’attention du public : « Et vous, que feriez-vous dans l’espace ? »

Pour aller plus loin : un article de Wired sur le positionnement européen quant à l’extraction de minerais dans l’espace.  Pour retrouver les illustrations de l’article, c’est par ici.

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