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Chute de blocs rocheux : SNCF Réseau teste une solution via géophones

 

Le département technique « Voie & abords » de la DGII chez SNCF Réseau développe actuellement des systèmes de détection de chute de blocs plus fiables et plus précis que ceux utilisés aujourd’hui, grâce à des technologies de détection acoustique par capteurs. Explications.

Publié le

Par La Redaction

Cover capteur chute

Actuellement, pour détecter et/ou empêcher les chutes de blocs, il existe deux solutions. La première consiste à poser des grands filets en acier (filets pare-blocs), qui permettent de réceptionner les chutes de blocs au-dessus de l’infrastructure dans des versants rocheux. La seconde, qui est utilisée dans certains types de zones comme les versants rocheux par exemple, est de tendre des fils électriques détecteurs (ou filets détecteurs) à la verticale ou à l’horizontale entre des poteaux. Ainsi, lorsqu’un bloc tombe, il rompt le fil, ce qui active un signal et interrompt la circulation des trains.

Filets pare-blocs © Antoine-Delsart

Le principal problème de cette détection par fils électriques est qu’il y a beaucoup de faux positifs, car le fil peut être rompu à cause de la végétation ou du passage d’animaux par exemple. Qui dit fausse détection, dit arrêt des circulations, ce qui engendre de fortes conséquences sur la régularité des circulations ferroviaires. De plus, cela demande qu’un agent de l’Infrapôle se rende sur place pour constater le problème et remplacer le fil. Le second inconvénient est la précision de ce système sur la localisation de la rupture du fil, qui nécessite parfois plusieurs centaines de mètres à inspecter pour l’identifier. L’agent doit ainsi contrôler un secteur assez large, soumis à un risque résiduel important, c’est-à-dire un risque de chute d’autres blocs rocheux. Ce système, et le protocole d’inspection en cas de détection, augmente donc les risques pour la sécurité du personnel.

Filets pare-blocs © Antoine-Delsart

« Par conséquent, avec Amélie Hallier et Kevin Dagnault, nous travaillons sur de nouvelles solutions pour mieux prévenir ce risque et si on ne réussit pas à le prévenir, au moins de développer des systèmes de détection de chute de blocs qui permettraient a minima d’arrêter les trains avant l’obstacle pour assurer la sécurité des circulations ferroviaires. » explique Joséphine Boisson-Gaboriau, responsable du Pôle Ingénierie de Maintenance (division Patrimoine Géotechnique et Risques naturels) au sein de la DGII chez SNCF Réseau. 

« Ces nouvelles solutions permettront de dissocier une chute de bloc du passage d’un animal par exemple, et ainsi de diminuer le pourcentage de faux positifs. Aussi nous devrions savoir, avec ces systèmes de mesures, positionner le bloc tombé avec plus de précision, c’est-à-dire, à une dizaine de mètres près. » ajoute-t-elle. Ces solutions n’ont pas vocation à être installées partout, ni tout le temps mais au juste besoin. Par exemple, après une chute de bloc, cela pourrait être déployé en attente des travaux de confortement, pour surveiller la zone, ou sur des grands versants où il peut y avoir des chutes lointaines, ou encore au niveau de tranchées rocheuses sur lesquelles la configuration (proximité des voies) ne permet pas d’installer des filets détecteurs…

Une collaboration avec le Rail Open Lab

Organigramme © Rail Open Lab

Pour trouver la solution technologique la plus adéquate à cette problématique, l’équipe du département technique « Voie & abords » de la DGII s’est tournée vers le Rail Open Lab, un laboratoire dinnovations et d’accélération technologique et numérique destiné à optimiser les pratiques dexploitation et de maintenance du réseau ferroviaire.
« C’est un accélérateur de projets, cela donne un cadre et un suivi à des essais. On discute aussi avec d’autres métiers qui pourraient avoir besoin de ce type de technologies, non pas pour des chutes de blocs, mais des chutes de véhicules par exemple. On partage les retours d’expérience de nos tests etc. », raconte Joséphine Boisson-Gaboriau.

Organigramme © Rail Open Lab

La solution choisie repose sur l’utilisation de géophones. Ce sont des capteurs sous forme de cube, de la taille d’une main, qui sont plantés dans le sol. Ces capteurs, qui peuvent aussi bien exister en version batterie ou filaire, permettent de faire une détection acoustique des chutes de blocs. Ils fonctionnent sur une bande de fréquence de 0 à 400 Hz. « Ce type de capteurs est extrêmement sensible et peut enregistrer du signal jusqu’à plusieurs centaines de mètres. », précise la géophysicienne Amélie Hallier. Ces géophones sont habituellement utilisés pour des inspections géophysiques du sol et donc la surveillance du signal sismique au niveau du sol. L’entreprise Sercel, qui grâce à ses compétences en capteur géophysique et en traitement du signal, a répondu présente au projet et réalisé cette expérimentation.

Une solution en phase d’expérimentation

La première expérimentation a eu lieu en octobre 2021, et a été réalisée sur un tronçon non circulé. Elle consistait à planter des géophones de manière linéaire, afin de tester leur capacité à détecter les chutes de blocs et à les positionner, et ce, peu importe la taille du bloc. « Cette première phase d’expérimentation a duré environ un jour et demi, pendant laquelle nous avons pu faire tomber des blocs de différentes tailles et à différentes hauteurs. Nous avons pu tester plusieurs scénarii avec des trajectoires différentes, des rebonds ou des blocs qui se cassent en plusieurs morceaux. Cela nous a permis de constater que nous pouvions identifier, avec ces capteurs et un traitement des données adapté, la trajectoire du bloc et donc sa provenance – des données que nous n’avons pas aujourd’hui avec les systèmes de détection actuels. » explique Amélie Hallier.

Capteur géophysique © Sercel

« Le test a été réalisé au début avec une implantation de capteurs assez serrée, en quinconce sur trois lignes. Ce dispositif est parfait pour faire une analyse juste et précise de la chute des blocs. Cependant, ce n’est économiquement pas viable, car chaque capteur coûte environ 400 euros. Nous avons donc demandé à Sercel jusqu’où ils pouvaient dégrader la résolution au niveau du traitement de la donnée, tout en répondant à la problématique posée. Ils ont donc dégradé virtuellement le dispositif pour ne conserver que deux lignes avec un capteur tous les 9 mètres en quinconce. On a pu observer que malgré ce plus grand espacement des capteurs, on obtenait tout de même une localisation assez précise de la chute du bloc. » détaille Joséphine Boisson-Gaboriau. « Pour cette expérimentation, les capteurs ont été plantés au niveau de la voie et des pistes. Pour des futurs tests, cela pourrait être intéressant d’en poser aussi au niveau du versant rocheux. »,ajoute Amélie Hallier.

Capteur géophysique © Sercel

Et la suite ?

La prochaine étape sera de faire les mêmes essais, mais cette fois-ci en conditions réelles, c’est-à-dire avec des trains qui circulent et génèrent un bruit conséquent. Cette seconde phase d’expérimentation devrait avoir lieu dans les mois à venir. « Nous avons présenté ce premier test à un groupe de compétences qui travaille sur le risque rocheux, dans l’idée de réfléchir tous ensemble sur l’identification du site de la seconde phase d’expérimentation. »,précise Joséphine Boisson-Gaboriau.

« Lorsque ce système de détection aura fait ses preuves et que nous aurons un retour d’expérience sur les faux positifs, il faudra penser à la seconde étape du projet, qui est l’intégration de l’information dans le système ferroviaire, et donc la transmission de l’alarme de manière à arrêter les trains. », conclut-elle.

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