Keolis au C.E.S. – 5 questions à Arnaud Julien et Louise Piednoir
Incontournable messe de l’innovation électronique grand public, la dernière édition du C.E.S. (Consumer Electronics Show) de Las Vegas s’est déroulée du 5 au 8 janvier dernier.
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Par La Redaction
Pour la première fois, Keolis, accompagné de la startup partenaire Navya, se rendait sur le salon pour présenter une nouveauté de taille : la première navette entièrement autonome et électrique en circulation dans une ville – le quartier lyonnais de Confluence. Réactions face au véhicule de Navya, concurrence protéiforme, souvenirs du CES… Nous avons posé cinq questions à Arnaud Julien (Directeur Innovation & Digital) et Louise Piednoir (Responsable des Projets Digitaux), présents sur l’événement.
Comment Keolis s’est retrouvé au CES ?
Arnaud Julien : C’est la première fois que Keolis se rendait au CES : nous avons convenu avec notre partenaire Navya d’y aller ensemble. Nous avons saisi cette opportunité car nous avions une expérience à partager, en rebondissant notamment sur la première mondiale que représentait la mise en circulation du service de navettes autonomes Navly à Lyon. C’était une belle opportunité de présenter notre savoir-faire, d’autant que les acteurs de la mobilité sont de plus en plus présents au CES. Les sujets du véhicule autonome et de l’intelligence artificielle sont à présent au cœur de l’événement.
Justement, parlons de la présence automobile. Il y a avait beaucoup de voitures autonomes, semi autonomes, automatiques… Menace ou opportunité pour un opérateur comme Keolis ?
A.J. : C’est une menace mais avant tout une opportunité ! Notre ambition, c’est l’intégration de toutes les mobilités; et il est vrai que beaucoup d’entreprises se positionnent comme nous, en dehors même de nos concurrents traditionnels. Par exemple, Uber se présente dorénavant comme un acteur de mobilité et non plus comme un VTC. Sur certains continents, la startup discute de plus en plus activement avec les différents décisionnaires de la ville pour proposer des services spécifiques ; de plus, nous savons qu’ils investissent massivement sur le véhicule autonome. Uber devient donc un nouveau concurrent des opérateurs de transport, comme BlaBlaCar pour SNCF. Le secteur de la mobilité est en pleine mutation : les véhicules autonomes/électriques engendrent un partage de la ville différent, avec des frontières plus malléables.
Louise Piednoir : Le véhicule autonome est un accélérateur technologique des tendances observées sur notre marché. Tout l’écosystème s’y intéresse, Keolis pense donc avoir son rôle à jouer.
A.J. : Trois tendances majeures se dégagent : le véhicule sera autonome, électrique et partagé. En tant qu’opérateur des mobilités urbaines, nous nous y intéressons fortement.
Depuis quand Keolis s’y intéresse?
L.P. : Nous avons pris à bras le corps le sujet du véhicule autonome fin 2015. Le partenariat Navya a été notre première grande réussite. Nous avons ensuite renforcé ce partenariat avec une prise de participation dans la startup en septembre 2016.
A.J. : C’est un « véritable » partenariat, avec déjà plusieurs réalisations à son actif. La première, majeure, c’est le lancement du service de navettes autonomes à Lyon – et la presse ne s’y est pas trompée. Certes il y a eu des expérimentations auparavant, mais là nous nous sommes inscrits dans le plan de transport de la ville : le service rendu est réel, connecté, en correspondance avec un arrêt de tramway pour desservir le dernier kilomètre. Nous avons lancé ce projet en partenariat avec l’autorité organisatrice de transport (le SYTRAL) ainsi qu’avec la métropole de Lyon. L’effet de levier est évident, notamment lorsqu’après le CES nous proposons un service sur le _strip_ de Las Vegas, remporté face au constructeur américain Local Motors. Ce n’est qu’un démarrage, mais cela nous permet de beaucoup apprendre.
Quelle a été la réception de la navette sur le salon et dans Las Vegas ? Que peut-on attendre pour la suite ?
L.P. : Elle a été très bien reçue, puisqu’au sein de la _market place_ véhicule autonome la plupart des visiteurs venaient tester la navette – précisons que sur le CES, la navette Navya était le seul véhicule vraiment autonome (sans pédale ni chauffeur). Il y avait un fort intérêt de toutes les nationalités, de tous les types d’acteurs (privés et publics). A Las Vegas, nous avons eu un lancement qui s’est très bien passé. Voilà pour le client passager, mais nous avons vu également une grande satisfaction de la part de l’autorité organisatrice et de la ville. Elles ont grandement contribué à faire de ce lancement un succès.
Our self-driving shuttle is open for rides along Fremont from Las Vegas Boulevard to Eighth from 11-3 through the 20th. pic.twitter.com/g7icjzjIth
— City of Las Vegas (@CityOfLasVegas) 11 janvier 2017
A.J. : Pour la suite, nous continuons les expérimentations en France et à l’international, sur des sites privés et au sein d’agglomérations. Dans tous les pays où nous sommes présents l’intérêt est là ; vient ensuite la question de la mise en œuvre. Nous sommes face à trois problématiques : la question technique et technologique (un frein de moins en moins présent), l’acceptation des voyageurs (cette question ne se pose plus car en réalité, les passagers oublient rapidement qu’ils sont dans un véhicule autonome), la question de l’autorisation (question légitime pour des raisons de sécurité). L’autorisation dépend de chaque pays ; il n’y a pas de régulation au niveau mondial à date. Dès que nous sommes sur un site public ou assimilé, nous nous retrouvons avec des demandes d’autorisation spécifiques, des dossiers à monter… Toutes ces démarches sont légitimes : il faut assurer une parfaite sécurité sur un sujet encore très nouveau.
L.P. : Et pour préciser aux lecteurs qui ne connaitraient pas la navette, elle est en capacité de circuler dans des conditions de trafic urbain « normales ». De fait, nous sommes face à deux cas de figure. Soit nous sommes sur un site totalement privé où l’entité est libre de mettre en place la circulation qu’elle souhaite : dans ce cas-là, il n’y a aucune obligation d’avoir un opérateur à bord. Par contre, sur un site de nature publique, la loi française demande de conserver un opérateur. Il remplit surtout des fonctions d’accueil du public, et en cas de d’incident, il fait le lien avec le centre de contrôle à distance.
Quelles innovations vous ont bluffé au CES ?
L.P. : Pour être très honnête, nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire le tour de tous les stands (rires). Celui de Dassault System m’a beaucoup marqué. Il présentait un casque de réalité virtuelle qui permettait, avec l’exemple d’une moto, de se projeter et de présenter le véhicule dans un contexte client, ou d’entrer à plusieurs niveaux techniques dans le produit. Tu pouvais soit être un technicien qui creusait une problématique technique, soit un marqueteur qui se projetait dans des cas d’usage… J’ai trouvé ça assez bluffant.
A.J. : Pour moi, ce n’était pas temps une innovation qu’une tendance. J’étais déjà allé au CES et j’ai pu voir l’évolution avec une place très importante dédiée à la mobilité. Tous les constructeurs automobiles de taille suffisante pour pouvoir porter ce type de projets étaient présents ; nous étions au salon de l’auto (rires). Bien sûr toute la partie _consumer_ (téléphone, TV, objets connectés etc) était présente, mais ce n’est plus le seul focus ni le principal. C’était la première année de présence de Keolis, je pense qu’il faudra renouveler l’opération. La mobilité se transforme de manière globale parce que l’ensemble des écosystèmes technologique est prêt, les comportements évoluent rapidement (les gens ne pensent plus monomodal)… Nous avons le devoir de coller au mieux aux nouveaux usages qui tendent à se développer. La mobilité est un sujet phare qui évolue, et nous avons un rôle majeur à jouer.
_Photo de Une : Navya / P. Salomé_