Portrait d’Iva Stankovic, data scientist – La science au service du terrain
Elle était récemment à l’honneur du DataLadies organisé par Quantmetry. Iva Stankovic est data scientist, un poste crucial dans le cadre de la transformation digitale de SNCF. Portrait.
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Par La Redaction
La fonction de data scientist ? Pour le commun des mortels, ce métier demeure quelque peu obscur. Aux profanes qu’elle rencontre, Iva Stankovic aime donc citer cette phrase tirée du roman « L’Autre comme moi » de José Saramago : “Le chaos est un ordre qui n’a pas encore été déchiffré“. A l’université de Nis, en Serbie, où elle suivait des études d’ingénieur logiciel entre 2009 et 2013, Iva Stankovic avait déjà attrapé le virus : “une passion” consistant à se plonger dans d’innombrables chiffres pour parvenir, in fine, à en trouver la logique. Le genre de talent dont aujourd’hui, aucune grande entreprise ne peut se passer.
L’arrivée en France
La ville de Nis ne fait pas exception à cette demande généralisée pour les métiers d’ingénierie informatique. Grâce à sa formation à mi-chemin entre les mathématiques, les statistiques et l’informatique, Iva Stankovic décroche donc une première expérience dans les data sciences. Pas loin de son université se trouve la Fabrika duvana, une usine de tabac ultra moderne appartenant à Philip Morris International. La jeune scientifique y fait un stage d’un an, avant de décrocher une place au “Data Mining and knowledge management“. Ce master européen, hyper sélectif, n’accepte que 12 étudiants par promotion sur un bon millier de candidatures.
En septembre 2014, Iva Stankovic entame un nouveau cycle d’études à l’université Lumière de Lyon II. Même si elle est déjà venue en France pour les vacances, elle connaît alors peu le pays, et encore moins sa langue. Elle apprendra vite. “Je m’y sentais bien et j’avais l’intention de faire ma carrière ici”, confirme-t-elle aujourd’hui. Après un détour de six mois à Barcelone pour finir sa formation, elle revient donc dans la capitale des Gaules.
Le sens du service
L’opportunité est toute trouvée. Dans ses locaux de la Tour Oxygène, situés tout près de la gare Part-Dieu de Lyon, la DSI Voyageurs offre une expérience professionnelle de six mois pour assurer un projet de “data mining intern“(le data mining, traduit par « forage de data », se focalise sur l’extraction de structures originales et de connaissances via l’étude d’un grand nombre de données). “Il s’agissait de travailler sur les données de géolocalisation des trains, explique Iva Stankovic. En se basant sur l’analyse de la réception dans l’ensemble du pays, en prenant en compte tous les facteurs comme la vitesse ou la topographie, l’objectif de ce programme était de parvenir à une couverture optimale”. Aujourd’hui encore, elle évoque ces quelques mois comme sa “plus belle satisfaction professionnelle”. En Serbie, dans la famille, on peut certes trouver la trace de cheminots. Mais, cet atavisme n’explique pas tout. “Beaucoup de data scientists œuvrent pour le marketing,le traitement des données s’est imposé comme un levier essentiel pour améliorer les ventes, explique-t-elle.
Or, au sein de SNCF, mon travail est tout autre, il consiste à améliorer le service. Faire rouler des trains, c’est un service public ! C’est le genre de nuance qui compte pour moi.” Dès lors, quand elle apprend qu’au sein de la Fab Big Data, Héloïse Nonne cherche à recruter une seconde data scientist, Iva Stankovic n’hésite pas. C’était il y a un peu plus de six mois, en 2016. Deux femmes dans ce milieu réputé si masculin ? “Lead by example !”, répond-elle tout en affirmant, par ailleurs, n’avoir jamais été la cible de préjugés sexistes.
“On ne part pas de zéro comme chez Google”
Depuis, l’équipe s’est largement étoffée avec désormais sept data scientists et quatre data ingénieurs (ces derniers sont des professionnels qui préparent l’infrastructure big data afin que celle-ci soit ensuite analysée par les data scientists). “Je nous vois comme un mouton à cinq pattes”, s’amuse-t-elle. Et de poursuivre : “Élaborer un algorithme revient à cheminer patiemment, étapes par étapes. Nous résolvons une multitude de petits problèmes afin de solutionner le plus gros. Et cela ne peut s’obtenir que grâce au travail d’équipe. Sans cette cohésion, on n’arriverait à rien.” Sens de la collaboration approfondi mais aussi qualité d’écoute. Une démarche qu’Iva Stankovic juge indispensable dans le cadre de SNCF. “On ne part pas de zéro comme chez Google.Ici, c’est à nous de nous adapter aux besoins métiers, d’être à l’écoute du terrain. Nos algorithmes sont là pour faciliter le travail des agents et non changer leur savoir-faire. C’est bien là tout l’intérêt”, confirme-t-elle.
Elle a ainsi pu l’expérimenter lors de sa collaboration avec les spécialistes Maîtrise de la végétation qui œuvrent tout au long des voies ferrées. Cette problématique,responsable d’environ 600 000 minutes de retard par an, a constitué son premier défi. En remontant toutes les données du terrain depuis cinq ans et en y intégrant les facteurs externes (prévisions météo, types de végétation, géographie, etc.), l’équipe de data scientists a ainsi élaboré un système de visualisation de l’historique des incidents. Si ce premier outil, intégré à Sigma, montre déjà de très bons résultats, le projet n’en est qu’à ses prémices. “La prochaine étape sera de parvenir à un modèle de prédiction qui permettra de cibler en amont les zones de vigilance”, atteste Iva Stankovic.
Un problème réel pour une solution à l’impact immédiat, voilà comment la data scientist aime travailler. Expérimenter en laboratoire, très peu pour elle. Actuellement, Iva Stankovic a un peu délaissé la végétation pour réfléchir à un nouveau projet de géolocalisation. “C’est passionnant, mais je ne peux encore en parler”, s’excuse-t-elle. Avant d’ajouter, enthousiaste : “Il y a tant de choses à faire au sein de SNCF, tant de cas d’usage. Je ne veux rien manquer de tout ça !”