#PortraitRobot – Corentin de Chatelperron, le rêveur qui poursuit sa recherche de la perfection
Pour l’aventurier, les innovations low-tech d’allure simple sont aussi d’une ingéniosité inégalée.
« Je crois à ce qu’a dit Antoine de Saint-Exupéry : ‘la perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer’», présente avec enthousiasme Corentin de Chatelperron le 12 septembre dernier, pendant sa conférence au 574 de Saint-Denis. Un art de soustraction et de justesse : telle est sa vision sur la low-tech.
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Par La Redaction
Que pense-t-il alors des inventions high-tech sophistiquées ? « Quand j’ai appris que M. Elon Musk voulait conquérir Mars, j’étais en train de sillonner les forêts malgaches. J’étais étonné par la richesse que possède la nature – que l’on ne connaît sans doute pas assez encore -, j’aurais voulu lui suggérer d’explorer davantage notre planète. » Cependant, avec un smartphone Huawei dans les mains, il est loin d’être hostile à la modernité digitale : son association Low Tech Lab est présente sur les grandes plateformes de réseaux sociaux, et lui-même est connecté à ce cercle de « makers » durant ses courts séjours parisiens. Interview.
Quel est votre premier geste digital le matin ?
Mon premier geste digital est de saisir les données sur l’écosystème à bord du bateau dans un logiciel DIY. Ces données, je les récolte le matin lorsque je m’occupe de mes plantes et de mes poules. Il faut que je sache de combien de litres d’eau j’ai arrosé les plantes, quelle quantité de nourriture j’ai donnée aux grillons, combien d’algues de spiruline j’ai récoltées…
Si vous aviez un assistant virtuel ou un robot, à quoi vous servirait-il ?
Il pourrait justement m’aider dans cette tâche digitale du matin. D’ailleurs, ce serait encore mieux s’il pouvait effectuer une analyse de données en temps réel afin de mesurer la santé des plantes, ou encore la quantité d’eau consommée depuis le dernier arrosage. Il y a plein d’outils digitaux qui pourraient m’aider dans la R&D également.
Les trois applications qui ne vous quittent plus.
Avant de partir en bateau, je me suis intéressé au sommeil et j’utilisais Sleep Cycle pour mieux connaître son influence sur mon humeur, ou sur mon efficacité au travail dans la journée. Malheureusement je ne peux plus l’utiliser car sur le bateau, elle enregistre les mouvements des vagues… Sinon, nous utilisons Whatsapp, Slack, ou encore Skype au sein du Low Tech Lab.
Demain, plus Internet. Qu’est-ce qui vous manquerait le plus ?
Pendant mes six mois de voyage en bateau du Bangladesh à la Malaisie, je n’avais pas Internet. Ce qui m’a manqué le plus, ce sont des outils comme Wikipédia. Quand je suis revenu en France, j’ai appris qu’on pouvait le télécharger et l’utiliser sans connexion : maintenant, nous avons toujours cette ressource sur le bateau !
“Destination innovation”, où partez-vous ?
Je partirais sur une île déserte en Thaïlande vivre une expérience scientifique. D’ailleurs durant quatre mois, je vais tester les 30 meilleures innovations low-tech que nous avons repérées depuis il y a un an et demi.
Selon vous, si le digital n’avait pas existé, ou en serions-nous aujourd’hui ?
En termes de communication, si nous n’avions rien inventé de mieux que l’enveloppe, nous serions encore hyper isolés du reste du monde. Par conséquent, nous produirions et consommerions plus local : notre empreinte écologique serait bien inférieure à celle d’aujourd’hui. Cependant, la croissance économique liée à la mondialisation n’aurait pas été la même. Idem pour les échanges d’idées qui ont été à l’origine de beaucoup d’innovations. Je pense que ce serait quand même moins bien qu’aujourd’hui.
Quel visionnaire, créateur, influenceur auriez-vous aimé rencontrer ? Et pourquoi ?
Ce sera Yvon Chouinard, l’entrepreneur qui a créé l’entreprise Patagonia. Je suis en train de relire « Let My People Go Surfing: The Education of a Reluctant Businessman», livre dans lequel il partage sa vision du management, très inspirante à mes yeux.
Quel projet de SNCF lié à la digitalisation vous semble le plus emblématique ? Et vous, que feriez-vous pour aller plus loin dans la digitalisation de SNCF ?
J’utilise les billets électroniques lorsque je prends les trains, c’est pratique ! Le train est un super moyen de déplacement. En revanche, si on ne peut pas réserver les billets à l’avance, cela peut coûter cher. On pourrait peut-être trouver des moyens pour faire baisser les prix, par exemple en digitalisant davantage la démarche de réservation ? Il faut rendre accessible ce super service au plus grand nombre.
Si vous aviez un super pouvoir digital, quel serait-il ? Quelle est/serait la meilleure chose que la digitalisation peut/pourrait offrir à notre société ?
Ce que j’envie aux ordinateurs, c’est leur puissance de calcul. Ils peuvent recevoir plein d’informations et les analyser très vite. J’aimerais bien pouvoir faire pareil. Si nous pouvions tous avoir ce super pouvoir, ça se passerait un peu comme dans « Le Cinquième Elément »… Ainsi quand on discutera avec quelqu’un, on pourra connaître plus que ce que la personne dit vraiment à travers les mouvements de visage… Ça nous permettrait d’être plus intelligent, et peut-être de mieux nous comprendre.
Questions Techno-Philo #1 : De plus en plus de jeunes diplômés choisissent aujourd’hui une voie professionnelle alternative – un peu comme vous, mais souvent dans des milieux urbains -, en se tournant vers des métiers de « néo-artisanat ». D’après-vous, q
Les scientifiques nous ont appris que, depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs, le cerveau humain n’a quasiment pas changé. En revanche, les contextes socio-culturels ont beaucoup évolué. Je me demande si nous n’avons pas gardé, au fond de nous, cet instinct d’être à proximité de la nature, et ce besoin de faire des choses « concrètement » avec nos mains. Certaines tâches quotidiennes des chasseurs-cueilleurs sont devenues un luxe de nos jours : la pêche, la chasse, la randonnée, les vacances sous des cocotiers… Ces jeunes néo-artisans transforment ces loisirs en leur métier.
Questions Techno-Philo #2 : Est-ce que les innovations nées des échanges des idées et du savoir-faire, à l’instar de vos inventions « low-tech » durant l’expédition Gold of Bengal, peuvent impacter la division internationale du travail ?
Complètement, mais cela dépend du domaine d’activité de production. Les innovations low-tech sont des systèmes locaux pour répondre aux besoins de base. Au Cap-Vert, les activités agricoles locales se font en deux mois sur une année. Faute de pluie, le pays importe la plupart des nourritures que ses populations consomment. Si, grâce à la low-tech, les locaux peuvent cultiver pendant toute l’année, l’économie du pays serait bien plus autonome. En ce sens, les low-techs vont permettre à des pays de gagner en souveraineté et en liberté sur leurs besoins de base. Cependant, dans le domaine du high-tech, la division du travail est inévitable car les produits ne peuvent exister que si la demande dépasse un seuil critique. Il est inimaginable de construire une mini usine qui fabrique des smartphones… Ce serait du gaspillage.
Pour terminer, quelle est votre définition du mot « DIGITAL » ?
Ce n’est pas facile ! Pour moi, qui dit digital dit informatique, dit qu’il y a des 0 et des 1 se baladant quelque part dans le système, dit aussi que nous nous adressons à une interface capable d’exécuter une ou des tâches répondant à nos besoins.