#PortraitRobot – Luc Ferry, une touche de philo dans un monde de techno
Le 21 avril dernier, le philosophe Luc Ferry intervenait dans le cadre d’un atelier 574 à Saint-Denis intitulé « Comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies ? ». Nous avons saisi l’occasion pour dresser son #PortraitRobot digital.
Publié le
Par La Redaction
Luc Ferry, essayiste et ancien ministre de l’Education nationale, s’intéresse de près aux problématiques liées à l’innovation technologique. L’analyse de l’auteur de « La Révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies » rejoint celles d’autres personnalités, comme Laurent Alexandre: l’Europe est en retard sur le plan du développement numérique. Pire, les politiques français ne s’y connaissent pas suffisamment.
A la différence du chirurgien, l’ex-Ministre ne souhaite pas faire remplacer tous ceux qui sont sur la scène politique française. Dans des billets qu’il publie régulièrement sur Le Figaro, Luc Ferry explique pourquoi il est essentiel pour la France de s’engager dans les mesures de régulation vis-à-vis des nouvelles formes d’économie, et cela en collaboration avec les autres pays de l’Union Européenne.
Définition et vision du digital, applications préférées, « Destination innovation », « super pouvoir digital » qu’il aimerait posséder : le philosophe se livre ici en #portraitrobot.
Quel est votre premier geste digital le matin ?
Pas très original : regarder les notifications, SMS, mails et autres nouvelles sur mon Smartphone.
Si vous aviez un assistant virtuel ou un robot, à quoi vous servirait-il ?
A rien, je passe 80% de mon temps à écrire mes livres, à donner des conférences dans le monde entier, le reste est consacré à ceux que j’aime. Aucune de ces activités n’est robotisable.
Les trois applications qui ne vous quittent plus ?
Uber, Tom Tom, Whatsapp, la dernière me permettant de parler avec ma grande fille qui habite à Lima…
Demain, plus d’Internet. Qu’est-ce qui vous manquerait le plus ?
Google, une mine d’informations sans équivalent dans l’histoire de l’humanité.
Quelle tâche quotidienne digitaliseriez-vous ?
Rien dans ma vie n’est vraiment susceptible d’être remplacé par l’intelligence artificielle.
“Destination innovation”, où partez-vous ?
En Chine, visiter les BATX [NDLR : les géants du web chinois – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi].
Selon vous, si le digital n’avait pas existé, ou en serions-nous aujourd’hui ?
Aux années 80, ce n’est pas si lointain vous savez…
Quel visionnaire, créateur, influenceur auriez-vous aimé rencontrer ? Et pourquoi ?
Elon Musk, à cause de son projet, terriblement inquiétant, d’augmentation de l’intelligence et des émotions humaines grâce à une hybridation homme/machine via des implants cérébraux. J’aimerais savoir où il veut en venir. S’agit-il de rendre l’humain complémentaire de l’IA, de lui donner les moyens de ne pas être remplacé et rendu obsolète par elle ou d’autre chose, de fabriquer l’homme-Dieu ? J’aimerais bien en parler avec lui…
Si vous aviez un super pouvoir digital, quel serait-il ? Quelle est/serait la meilleure chose que la digitalisation peut/pourrait offrir à notre société ?
Je commencerai par la lutte contre le cancer et plus généralement contre les maladies génétiques, grâce notamment au séquençage du génome, et au dépistage précoce rendus accessible à tous les enfants…
Questions Techno-Philo #1 : Certains voient dans la révolution numérique une opportunité de se débarrasser d'une autorité jugée "trop lourde", quelle conséquence cette liberté aura-t-elle sur nos industries ?
Je ne suis pas du tout néolibéral. Je pense au contraire que l’un des problèmes majeurs du temps présent tient au fait que les GAFA et les BATX ont plus de pouvoir que la plupart des Etats, de sorte qu’ils échappent à toute régulation. Or, nous allons avoir besoin, comme jamais, de réguler les conflits que fait naître l’économie dite à tort « collaborative ».
Autrement dit, nous avons besoin d’Etat et d’instances de gouvernance mondiale. La régulation, qui n’est pas l’interdiction, mais la recherche de compromis intelligents et équitables, sera difficile à mettre en place pour trois raisons. Les technologies NBIC [NDLR : Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives] se développent à une vitesse folle, elles sont très complexes, incompréhensibles pour les politiques comme pour le commun des mortels, et elles sont mondialisées, ce qui fait que les régulations nationales n’ont guère de sens.
Je me situe donc tout autant aux antipodes des ultra libéraux que de la vieille gauche qui veut interdire Uber ou Airbnb. Mon idéal est celui de la régulation, pas du laisser-faire, ni de la prohibition…
Questions Techno-Philo #2 : Vous dites que les Européens ont besoin des régulations à l’échelle continentale, quelles sont les conditions clés pour y parvenir ?
L’Europe a une longue tradition humaniste, grecque, juive, chrétienne et démocratique, ce qui pourrait lui permettre de puiser dedans pour trouver les ressources intellectuelles et morales permettant de penser la régulation. Sur le principe, il faut autoriser et même favoriser ce qui humanise le monde, et prohiber ce qui le déshumanise, mais bien évidemment, la régulation est un art tout d’exécution…