#PortraitRobot – Olivier Ezratty, le touche-à-tout des innovations numériques
Il se définit lui-même comme un Conseil en stratégies de l’innovation. Aujourd’hui, cet ingénieur ascendant codeur développe ses propres programmes utilitaires, par exemple pour gérer ses photos et la passion qu’il leur porte. Féru d’actualités dès le réveil, il donne aussi des conférences sur les technologies et le numérique un peu partout dans le monde. Lui, c’est Olivier Ezratty ; après son atelier au 574 de Saint-Denis en février dernier, il s’est attardé quelques minutes sur les canapés de la maison du digital de SNCF afin que dresser son PortraitRobot digital.
Publié le
Par La Redaction
Parmi ses nombreux travaux et analyses, Olivier Ezratty ramène tous les ans des Etats-Unis, et pour la 13ème fois cette année, son fameux rapport du CES. Un colossal document détaillé – et gratuit – qui accompagne les présentations qu’il prend plaisir à donner, posant son micro des grandes écoles aux grands groupes comme SNCF. Expert, membre et président des comités d’agrément de Scientipôle Initiative, veilleur technologique, consultant ou auditeur stratégique pour startups, ce « guest speaker » édite son propre blog, Opinions libres. Ses articles confirment son profil de geek bouillonnant, et son parcours professionnel issu d’un mélange de R&D logicielle, de marketing et de business development. Entretien.
Quel est votre premier geste digital le matin ?
Olivier Ezratty : Je vérifie mon mail, ensuite je vais voir les news sur le Huffington Post pour voir les dernières « bêtises » de Donald Trump et puis je vais regarder mes flux RSS pour voir les grandes news par thématique.
Si vous aviez un assistant virtuel ou un robot, à quoi vous servirait-il ?
O.E. : À organiser ma journée, à éviter de procrastiner et être encore plus discipliné dans la manière d’organiser mes tâches. Ça peut prendre la forme d’un logiciel agrémenté d’intelligence artificielle, qui pourrait m’aider à trouver les news les plus pertinentes par rapport à ce que je recherche, ce qui n’est pas le cas des agrégateurs actuels.
Trois applications qui ne vous quittent plus ?
O.E. : Mon lecteur RSS. Ce n’est pas très poétique, parce que c’est très concret. Mon mail, ça reste encore fondamental. Et après, j’utilise « comme tout le monde » les différentes plateformes de réseaux sociaux dans la vie courante.
Demain, plus d’Internet. Qu’est-ce qui vous manquerait le plus ?
O.E. : Quasiment tout ! Ma vie passe par Internet. Y compris la télévision ou la presse. Il ne faut pas oublier non plus qu’aujourd’hui, lorsqu’on n’a plus d’Internet, on n’a quasiment plus de relations – de travail – avec les autres. Je pourrais quand même travailler, car j’ai un stock de lectures numériques sur mon ordinateur qui est largement suffisant pour tenir un siège ou rester sur une île déserte pendant quelques années. Mais en même temps, ce serait une nourriture intellectuelle qui ne serait pas temporelle, c’est-à-dire qui ne serait pas liée à l’actualité.
« Destination innovation » ! Où partez-vous ?
O.E. : J’ai envie d’aller à Taïwan, à Shenzhen, à Hong Kong, à Montréal… Mais je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il y ait un endroit qui soit plus innovant que les autres, car l’innovation est plutôt bien distribuée. Aujourd’hui, on peut avoir une entreprise chinoise, créée par des Allemands, avec un Français, des Américains, des Anglais… Grâce à Internet, on peut être innovant partout dans le monde. Je connais des startups en Corse ou à la Réunion par exemple. Pourtant, ces endroits sont d’abord connus pour d’autres aspects qu’un écosystème de startups.
Selon vous, si le digital n’avait pas existé, ou en serions-nous aujourd’hui ?
O.E. : Si nous n’avions pas ces technologies aujourd’hui, nous serions comme dans les années 1980, avant les PC, avant Internet, avant la mobilité. On aurait des méthodes de travail plus lentes, on aurait moins d’innovation, et nous n’aurions pas ce côté excitant de l’entrepreneuriat. Ceci étant, dans les années 1980 ou à une autre époque, on pensait le monde tout aussi excitant, mais pour d’autres raisons.
Quel visionnaire, créateur, influenceur auriez-vous aimé rencontrer ? Et pourquoi ?
O.E. : Léonard de Vinci, Albert Einstein… De Vinci avait une vision très large du monde. Il était à la fois artiste et ingénieur. J’aurais bien aimé discuter avec lui, avec le recul que l’on peut avoir aujourd’hui. C’est-à-dire quels étaient ses repères, comment il pensait à telle ou telle chose, comme le tank, l’hélicoptère ou la technique de peinture du « sfumato »… Tout comme pour Einstein, les personnages que j’aime bien dans l’Histoire sont ceux qui sont relativement généralistes. Dans les scientifiques d’aujourd’hui, il y en a un qui n’est pas très loin,et un jour il faudrait que je parle avec lui, c’est Yann LeCun.
Quel projet de SNCF lié à la digitalisation vous semble le plus emblématique ? Et vous, que feriez-vous pour aller plus loin dans la digitalisation de SNCF ?
O.E. : Ce que j’aimerais personnellement, en tant qu’usager, c’est une information encore plus « temps réel », efficace et surtout prédictive qu’aujourd’hui. Il y a encore trop peu d’information voyageurs dans les voitures, même dans les messages du conducteur ou dans une appli dédiée sur son smartphone. On ne met pas trop d’écrans dans les rames pour des raisons de coût ou de vandalisme, il faudrait néanmoins creuser cette piste, à mon sens.
Question Techno-Philo #1 : La délégation française de startups au CES est la deuxième par la taille après celle des Etats-Unis. Vrai reflet de notre expertise, ou déploiement de moyens excessifs ?
O.E. : Il ne faut pas raisonner en expertise. C’est – la forte présence de la France au CES – liée au fait qu’il y a beaucoup d’entrepreneurs français qui s’intéressent au monde du consumer et aux objets connectés. Il y a aussi eu un encouragement (…) à venir au CES par le gouvernement et par les régions. Ces dernières font une sorte de concours pour voir celle qui aura le plus de startups au CES. Enfin, le chiffre d’affaires n’est pas une expertise, c’est une réalité business. La présence de la France au CES commence à être équilibrée par rapport au nombre de startups, car on a aussi des gros acteurs comme Valéo, Faurecia, Dassault Systèmes ou Renault Nissan qui sont de plus en plus présents sur l’événement. La France est peut-être un peu sur-représentée sur la dimension startup, mais pas encore sur les PME ou les grands groupes. Nous restons tout de même le seul pays qui envoie des ministres, depuis 2014. Le numérique prenant plus de place dans les biens de consommation, la couverture media du CES s’est accrue, ce qui a peut-être créé une fréquentation plus importante. Nous sommes quand même l’un des trois plus gros pays européens, c’est normal qu’il y ait de l’innovation qui sorte de chez nous. Mais ce serait intéressant de voir les chiffres en termes de mètres-carrés au CES, plutôt qu’en nombre d’entreprises. En effet, la surface est indexée sur la taille de l’activité.
Question Techno-Philo #2 : Selon vous, la 5G ne sera pas encore là en 2020. Le jour où elle arrivera, pensez-vous que nous aurons un Internet à la hauteur des ambitions des ondes FM ou hertziennes qui alimentent la radio et la télévision ?
O.E. : Si on compare la 3G à la 4G, il y a eu une amélioration, et il y aura une belle amélioration entre la 4G et la 5G. La 5G, c’est un bric-à-brac avec beaucoup de standards et de technologies, qui n’arriveront pas un jour J en France ou ailleurs : ça va être étalé dans le temps, sur une dizaine d’années. La 6G fait déjà partie des travaux en cours. La 5G, déployée de manière complète, va probablement plus changer la périphérie de la mobilité smartphone que le smartphone lui-même. Les changements seront plus radicaux en dehors du côté « audio-vidéo », notamment les véhicules autonomes, ou encore dans le domaine médical : imagerie, interventions à distance, etc. Aujourd’hui avec la 4G, entre Uber, la météo en temps réel ou les diffusions en vidéo streaming, ne boudons pas notre plaisir !
Pour terminer, quelle est votre définition du mot « DIGITAL » ?
O.E. : Pour moi, le digital est un élément des technologies numériques. Depuis qu’on utilise le mot « digital » en France, ce qui est relativement récent, j’ai constaté qu’il avait été un peu récupéré par les gens du monde la communication et du marketing, ce qui lui donne cette teinte-là aujourd’hui, par rapport au mot « numérique », qui n’est pas une traduction de l’anglais. Les anglophones n’utilisent que peu le mot « digital » dans la pratique. J’aime bien le mot « numérique », car il est plus générique et couvre l’ensemble des pans de l’industrie. Exemple, si on dit « digital » en France, on ne pensera ni « hardware », ni « semi-conducteurs ». Chez Digital SNCF, l’idée est de savoir si l’on s’intéresse seulement au marketing et à la relation client, ou si l’on parle aussi de l’innovation informatique industrielle qui fait rouler les trains et gère l’information aux voyageurs.