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Sécurité ferroviaire augmentée : des détecteurs d’obstacles en expérimentation

Des détecteurs d’obstacle d’un tout nouveau type sont actuellement testés sur 7 passages à niveau – croisements des voies ferrées et routières -. Focus sur ces technologies de mesure de distance déployées dans le contexte ferroviaire.

Publié le

Par La Redaction

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Chaque jour, 16 millions de véhicules empruntent les 15 000 passages à niveau (PN) de France. A ce jour, plus des deux tiers de ces passages sont équipés de feu et/ou de barrières, permettant la fermeture des routes entre 25 et 45 secondes précédant le passage d’un train. Par exemple, une rame lancée à 90 km/h peut mettre jusqu’à 800 mètres pour s’arrêter, soit 10 fois plus longtemps qu’une voiture.

Afin de garantir la sécurité de tous, SNCF Réseau entretient et renouvelle régulièrement son infrastructure ferroviaire. C’est dans cette optique que depuis 2016, 7 détecteurs d’obstacles aux passages à niveaux (DOPN) d’un nouveau genre sont en cours d’expérimentation. « Nous voulons faire chuter le nombre d’incidents qui porteraient atteinte à la sécurité et à la régularité ferroviaire », précise Regis Aigouy, chef de Division au Département de la signalisation ferroviaire d’Ingénierie & Projets chez SNCF Réseau.

A la tête d’une unité en charge des produits et systèmes intégrés dans les installations de signalisation et de PN sur le réseau, il porte un regard particulièrement attentif sur le digital, « en plein boum dans le domaine de la signalisation ». Plusieurs technologies de pointe sont donc testées sur 7 sites d’expérimentation, comme le radar centimétrique tournant (capable de détecter la présence d’automobilistes à partir de mesures physiques) ou encore la télémétrie laser infrarouge (offrant davantage de précision lors de la détection).

Quel est l’état d’avancement du projet ? Quels en sont ses enjeux ? Quel futur pour les détecteurs mis en expérimentation ? Nous avons interrogé Régis Aigouy afin de décrypter les tenants et aboutissants de cette initiative d’envergure. Interview.

Dans quel contexte s’inscrit l’expérimentation des détecteurs d’obstacles des passages à niveau ?

Regis Aigouy : À la suite du procès de l’accident d’ALLINGE (collision entre un autocar et un TER sur un passage à niveau en juin 2008), RFF et SNCF ont été condamnés pour ne pas avoir pris les dispositions suffisantes au regard de la dangerosité de ce PN. Les collisions aux PN représentent une trentaine de décès par an sur le RFN. Même si la cause principale relève du mauvais comportement des usagers de la route, RFF et SNCF se doivent de s’engager dans une réflexion complémentaire à la sécurité intrinsèque de l’installation de passage à niveau : le projet d’installation de détecteurs d’obstacles en est un élément. Son objectif est d’obtenir une réduction de 70/ 90% du nombre d’accidents au PN, en y installant une boucle de rattrapage (détecteur d’obstacle). Cette expérimentation fait donc suite à un benchmark mené sur les réseaux étrangers. Plusieurs solutions industrielles comme Mermec, IHI ou Honeywell ont ainsi été identifiées.

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Quels sont les enjeux ? Qu’est-ce que la sécurisation des PN représente pour SNCF ?

R. A. : La première chose que nous avons en tête, c’est de trouver un système d’alerte adapté au ferroviaire français. Comme l’a établi la loi (article R422-3 du Code de la Route), le chemin de fer dispose d’une priorité par rapport à la route : c’est la singularité du fonctionnement du réseau français.

Ainsi, nous travaillons sur deux plans parallèles. D’un côté, il faut interfacer les nouveaux systèmes de sécurisation avec la signalisation ferroviaire existante ; nous réfléchissons même à la mise en place d’une autre signalisation. De l’autre, nous contrôlons également l’impact que peuvent apporter ces DOPN (détecteurs d’obstacles aux passages à niveaux) sur la régularité de circulation ferroviaire. A savoir qu’en cas de faux positif, le train aura été arrêté alors qu’il n’y a pas vraiment d’obstacle. La fiabilité du système est l’enjeu majeur.

Comment fonctionnent les différents capteurs utilisés ?

R. A. : Les systèmes de dernière génération sont basés soit sur des lidars, soit sur des radars millimétriques monofaisceaux, soit sur de la reconnaissance d’image. Cette diversité de techniques nous permettra, in fine, de choisir la plus avantageuse vis-à-vis de nos besoins. L’expérimentation étant actuellement en cours, nous ferons un REX en juillet 2017. Par la suite, nous élaborerons un cahier des charges et adapterons les installations déjà en place.

Où sont placés les détecteurs ? Comment avez-vous choisi ces 7 sites d’installation parmi les 15 000 PN en France ?

R. A. : Nos détecteurs sont installés dans 3 régions : Rhône-Alpes, Normandie, Ile-de-France. Cela nous permet de connaître l’impact des conditions météorologiques, comme le brouillard, la neige ou, la pluie, sur leur fonctionnement. Parce que le risque d’un obstacle est davantage présent sur des passages à niveau à 4 demi-barrières (véhicule pouvant se retrouver prisonnier), nous avons choisi, dans le cadre des tests, 7 PN de ce type.

Quelles sont les prochaines étapes concernant les DOPN ?

R. A. : Pour que le système atteigne une réactivité immédiate, nous nous sommes inspirés des autres types de détecteurs d’obstacles. Par exemple, des « filets » sont installés dans des zones montagneuses. Dès lors, quand un rocher tombe et coupe ces filets, le mécanicien est alerté par des torches de flamme rouge (pyrotechnique). Dans le cadre du projet, un dispositif à LED est en cours de développement. L’objectif est de laisser un temps de freinage d’urgence aux conducteurs, une fois l’alerte reçue.

Toujours dans l’optique de sécurisation des PN, il existe une autre piste : par le passé, le Ministère de l’Intérieur a équipé 42 PN d’un système de Contrôle sanction automatique (CSA) par radar afin de détecter le passage en chicane. En 2015, DSCR a décidé de moderniser les systèmes en place et a convenu avec SNCF Réseau de développer un nouveau système « 2 en 1 » : un « CSA nouvelle génération » qui détectera le passage en « chicane » mais aussi le véhicule arrêté. Si le nouveau CSA est satisfaisant, nous pourrons alors envisager d’en équiper certains PN.

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