Téléconduite sur rail : vers un train plus autonome ?
Nous le savons déjà, les véhicules guidés sont automatisables : dotées de portes paliers, les lignes 1 et 14 du métro parisien en sont des exemples. Automatiser un train, en revanche, relève de bien plus d’enjeux sécuritaires et technologiques. Et c’est en cela que la téléconduite sur rail constitue une brique technologique indispensable à la création d’un futur train autonome.
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Par La Redaction
Grâce au programme de renouveau technologique TECH4RAIL lancé en 2016, le Groupe SNCF veut booster sa compétitivité en accélérant l’intégration et le développement de technologies comme le big data, l’intelligence artificielle ou l’IoT. Les enjeux ? Davantage de sécurité sur un réseau dont la capacité doit augmenter et une amélioration significative de la ponctualité. Une course contre la montre, le Groupe envisageant les premiers usages de train autonome dès 2022.
« Dans le cadre de ce programme, nous sommes douze personnes à travailler sur le projet Train Autonome. Notre objectif est d’automatiser tout ou une partie des fonctions de conduite. C’est pourquoi ce projet couvre les différents niveaux d’autonomie, d’une assistance à la conduite à une circulation totalement autonome. La téléconduite sur rail est une composante essentielle de ce projet », présente Gemma Morral Adell, cheffe de projet « Téléconduite sur Rail » au sein de la Direction système & technologies ferroviaires de SNCF.
16 mois pour un 1er démonstrateur, nom de code TC-Rail
TC-Rail, kezako ? « C’est de la conduite manuelle effectuée à distance. Autrement dit, un agent de conduite va garder le contrôle du train depuis un centre d’opération », explique Gemma Morral Adell. En cas de besoin, ce système permettra de conduire un train autonome – fret ou voyageur – jusqu’à la gare la plus proche à vitesse contrôlée.
C’est en octobre 2017 que SNCF, l’Institut de Recherche Technologique Railenium, Thales C&S, Actia Telecom et le CNES ont lancé le projet. « Nous souhaitons transposer les nouvelles technologies utilisées dans d’autres domaines dans le ferroviaire », explique Gemma Morral Adell, « et ce n’est pas seulement de la recherche sur le papier, on vise les produits industriels. » D’où l’intérêt de relever les défis technologiques au travers d’un prototype (fret) en 16 mois.
Pour permettre aux conducteurs et conductrices de « voir », suivre et piloter le train à distance, sans interruption et de manière sécurisée, la téléconduite nécessite une grande capacité de collecte et de transmission des flux d’informations. Sont ainsi prévus dans le cadre du prototypage des tests de l’infrastructure du réseau télécom et des caméras embarquées à bord du train. Grâce à la contribution des partenaires, deux technologies télécoms seront testées (terrestre sur LTE par Thales, et SATCOM par Thales et Actia Telecom).
La cyber sécurité sera également au cœur du projet : « Il y aura un flux d’images envoyées depuis les caméras, mais aussi les informations des commandes que les conducteurs et conductrices envoient à la locomotive », souligne Gemma Morral Adell. « Thales et Railenium sont en charge des analyses de risques cyber, avec bien évidemment la contribution de nos experts Sécurité Systèmes Informations (Réseau et Mobilités) côté SNCF ».
Autre composant important – du fait du contrôle du train depuis un centre opérationnel – : l’interface Homme-Machine (IHM à distance). Le savoir-faire métier va donc évoluer, et l’équipe Train Autonome travaille avec SNCF Réseau et SNCF Mobilités pour mieux accompagner les métiers dans cette démarche. « Nous pouvons imaginer l’hybridation des capteurs dans le futur, ce qui permettra au train de gagner en automatisme. Nos métiers pourraient à ce moment-là utiliser des technos comme la réalité augmentée. » Railenium est en charge de piloter ce lot du projet grâce à une équipe d’ergonomes, de chercheurs et de chercheuses spécialisé.e.s dans le domaine des facteurs humains. Par ailleurs, tous ces équipements en développement devraient, à terme, être nativement intégrés aux futurs trains en construction.
Automatisation des locomotives
Le but ultime du projet Train Autonome étant de les faire circuler en France, quelles sont les tâches à accomplir pour SNCF et ses partenaires ? Pour y voir plus clair, voici les quatre niveaux d’automatisation du train (GoA pour « Grades of Automation) :
– GoA 1
Conduite manuelle. Le conducteur ou la conductrice effectuent la manipulation de traction, accélération et freinage. A savoir : la téléconduite est classée GoA 1.
– GoA 2
L’accélération et le freinage sont automatisés. Le conducteur ou la conductrice conservent les fonctions de sécurité. Le train peut être basculé alternativement en conduite manuelle ou automatique. Des produits industriels de ce niveau d’automatisation sont déjà disponibles sur le marché.
– GoA 3
Le train roule en mode autonome. Un.e représentant.e de l’entreprise ferroviaire est toujours présent à bord du train, pour résoudre un problème en cas d’incident ou échanger avec les voyageurs et voyageuses. En revanche, cette personne n’est plus située en cabine.
– GoA 4
Il n’y a plus de personnel à bord. Le train circule de manière totalement autonome et est capable d’intervenir seul, ou en étant accompagné à distance, en cas d’incidents ou de complications lors de son voyage. C’est le degré d’automatisation que vise le projet TECH4RAIL.
Plusieurs facteurs différencient l’automatisation du train de celle du métro urbain. En plus de la distance des trajets, le volume – donc l’inertie – des véhicules, l’hétérogénéité du parc de matériel roulant et la vitesse, le train parcourt des environnements ouverts qui présentent un potentiel d’obstacles plus important. Si le train fret australien a réussi son premier trajet sans personne à bord dans une zone de déserts, transporter les voyageurs (ou même les marchandises) dans des espaces très peuplés (ou périurbains), en France, demande des mesures sécuritaires bien plus importantes. De quoi rendre l’opération bien plus complexe.