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Trains Autonomes : 5 questions au directeur du programme Luc Laroche

Le programme Train Autonome vise à augmenter les capacités de circulation ferroviaire, sur les infrastructures existantes. La perspective pour les voyageurs et les clients du Fret SNCF : « Plus de trains avec une meilleure régularité, une baisse de la consommation énergétique et une sécurité renforcée » projette Luc Laroche, Directeur du programme Train Autonome de SNCF.

Publié le

Par La Redaction

Train autonome FRET SNCF

Depuis 2016, le groupe ferroviaire français s’est lancé dans ce programme promettant deux prototypes – respectivement dédiés aux voyageurs et au fret – à l’horizon 2023. À ce stade, quelles sont les étapes stratégiques qui ont été franchies, et quels sont les challenges à relever ? Mise au point.

Pourquoi SNCF souhaite faire des trains autonomes, à quelle échéance ?

Luc Laroche : Face à la demande de mobilité et aux défis environnementaux, nous croyons que le ferroviaire est un mode de transport d’avenir. Nous souhaitons faire basculer le chemin de fer vers le train du futur, et le train autonome y tient une place majeure. L’objectif du programme est de faire rouler les trains autonomes pour le service commercial à partir de 2026. Pour ce faire, nous aurons en 2023 deux prototypes des trains autonomes l’un dédié au fret (une locomotive BB 27 000) et l’autre aux voyageurs (modèle Regio 2N conçu pour le service TER). Les travaux que nous réalisons vont servir pour tous types de matériel roulant, en France et en Europe. L’évolution du parc vers les différents degrés d’automatisme (comprendre les degrés d’automatisme, ndlr) aura lieu progressivement en deux ou trois décennies à partir de 2025/26.

Le développement intense du ferroviaire passe d’abord par une évolution technique très forte du système, caractérisée par la digitalisation des outils et process. Les connaisseurs parlent de la pyramide ATS (Autonomous Train Supervision) / ATO (Autonomous Train Operation) / ATP (Autonomous Train Protection). Le digital va transformer l’exploitation ; les processus de supervision des flux, la conduite, la conception et gestion de plans de transport, ou encore la signalisation vont tous être amenés à s’automatiser. Le train sera encore plus sûr, plus fiable et avec plus de fréquence.

Quelles sont les briques techniques permettant de concevoir les futurs trains autonomes ?

Luc Laroche : Le métro autonome existe déjà – comme celui de Lille, la ligne D à Lyon ou la ligne 14 à Paris –, c’est un automatisme en milieu fermé. Nous travaillons sur le passage du train autonome au milieu ouvert. Dans ce cadre, il faut d’abord traiter le sujet de la détection. Le train doit être capable d’analyser son environnement : détecter les obstacles, observer les passages à niveau ou caténaires, lire la signalisation, afin de réagir en conséquence face aux différents événements.

Nous identifions trois types d’enjeux : la perception, la décision et la mise en œuvre de la décision. La perception conjugue l’utilisation de capteurs (caméra, lidar, radar, centrale inertielle…) avec une intelligence d’interprétation éventuellement à base d’IA. Grace à cette description de l’environnement, un algorithme prend les décisions. Ces algorithmes peuvent demander une assez grande finesse, mais ne constituent pas des verrous technologiques majeurs. La décision est ensuite transmise au tarin via des actionneurs (frein, accélération…)

La partie la plus complexe consiste à prendre en charge automatiquement les aléas via un processus décisionnel autonome ou en faisant intervenir un technicien à distance. Il doit comprendre ce qui se passe à l’intérieur du train et gérer les aléas le cas échéant. Ensuite viennent plusieurs sujets transverses, comme la localisation, la cartographie, ou encore les télécommunications.

En quoi ces briques techniques vous permettent-elles de faire face aux besoins sécuritaires et environnementaux ?

Luc Laroche : Le train autonome permettra d’augmenter le niveau de sécurité, notamment parce que les capteurs fonctionnent y compris dans des conditions difficiles (nuit, brouillard…) et sont en permanence vigilants avec des temps de réaction infimes. Une partie importante de nos travaux consiste à bâtir la démonstration de sécurité. Celle-ci s’appuiera, à la fois, sur du calcul, de la comparaison avec des situations connues, des tests grandeur nature ainsi qu’un certain nombre de tests sur plateforme. C’est la raison pour laquelle nous sommes en train de monter des plateformes de test sur les ordinateurs, où nous allons faire des expérimentations contextualisées, puisqu’elles intègreront l’environnement virtuel du futur système ferroviaire.

Le report modal de l’avion ou de la route vers le train fera baisser le volume global du CO² qui sera dégagé par le transport. Plus le train sera compétitif, meilleur sera le système de transport vis-à-vis de l’environnement. Les algorithmes de conduite autonome vont aussi faire baisser la consommation énergétique des trains : ce sera une baisse de l’ordre 25% par rapport à un système sans assistance.

A l’heure où la 5G devient un enjeu industriel mondial, comment allez-vous intégrer cette technologie dans le futur train autonome ?

Luc Laroche : Pour faire circuler des trains totalement autonomes (GOA 4), un bon réseau de télécommunication sera nécessaire : les vidéos prises à bord et depuis le train doivent être envoyées aux centres de supervision en temps réel et de façon continue. Le FRMCS (Future Railway Mobile Communication System) sera un apport important, appuyé très certainement par la 5G. Dans les autres cas de figure (GOA 2 & 3, ndlr), la 4G pourrait suffire.

En vue de l’arrivée des trains autonomes, comment vont évoluer les métiers concernés ?

Luc Laroche : Nous accompagnons le changement des métiers : c’est une ambition très importante du projet. Puisque le rythme de déploiement s’étendra sur un temps long, tous les conducteurs actuellement en poste pourront conduire, s’ils le souhaitent, jusqu’à la fin de leur carrière. Pour autant, l’exploitation du train autonome va créer de nouveaux métiers et en transformer de très nombreux autres. Nous aurons des téléconducteurs – nous avons déjà fait tester le pupitre de téléconduite par une vingtaine de conducteurs, qui ont contribué à l’améliorer –, et des superviseurs de train autonome, qui suivront à distance les alertes et les éventuels aléas. Quoiqu’il se passe, le train sera toujours suivi par quelqu’un de l’entreprise. Ce sont tous les métiers de la conception à la maintenance, en passant par l’exploitation qui seront transformés.

Le train autonome sera un train avec de nouveaux métiers et de nouveaux services. En 2023, nous aurons levé tous les verrous pour faire rouler le train en GOA4. Nous permettrons ainsi aux activités du groupe de choisir le type d’exploitation adapté à telle ou telle ligne et avec le niveau de service souhaité. Pour la SNCF, le Train Autonome est un vrai projet du groupe qui oriente l’ensemble des activités et des métiers vers le ferroviaire et le service de demain.

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