5 questions à David Leborgne, CDO du Groupe SNCF
Comme annoncé par Guillaume Pepy le 18 mai dernier, SNCF s’est récemment doté d’un nouveau Chief Digital Officer. Faisant suite à Yves Tyrode et Emmanuelle Saudeau, c’est à David Leborgne qu’incombe la tâche de piloter la transformation digitale du Groupe ferroviaire. Mais qui est-il ? Fan de rugby, ancien de Cisco et de Google, familier des bouleversements profonds engendrés par les nouvelles technologiques, il a accepté de se soumettre à notre exercice des « 5 questions à ».
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Par La Redaction
Bonjour David ! Pourrais-tu tout d’abord te présenter ?
David Leborgne : J’ai 44 ans, marié, père de deux adorables adolescents et je suis passionné par le ballon ovale. Pour l’anecdote, j’ai pratiqué le rugby en compétition pendant 10 ans – j’ai fini en niveau national 3 -.
Professionnellement, j’ai un parcours entrepreneur. A 21 ans j’ai monté ma première boîte, spécialisée dans l’édition et l’objet promotionnel. J’ai créé ma deuxième entreprise en 1999, Pixel In The Box, spécialisée dans l’animation 3D. Sur ce coup, je reconnais avoir manqué de vision – mais l’échec fait partie de la réussite – : nous avions de vrais talents mais nous avons mal évalué le marché et les coûts. Ensuite, j’ai bifurqué vers la société technologique montpelliéraine Genesys Conferencing , avant de rejoindre Cisco en 2005. L’entreprise avait racheté WebEx et cherchait un responsable pour lancer l’activité sur le marché français : j’ai donc été choisi pour gérer le développement du service au sein du portfolio. On l’a commercialisé pratiquement dans tous les grands comptes. C’était une belle aventure qui s’est terminée de manière très positive.
En 2011/2012, Google perturbe toujours plus notre usage des médias, nos modes de recherche, notre manière d’apprendre, d’échanger… J’ai décidé de rejoindre cette entreprise en juillet 2012 sur le B2B (G-Suite, Chrome, Android et Google Cloud plateform pour le IaasS et PasS…). J’étais responsable du département _business services_ et j’ai accompagné des grands groupes comme Veolia, qui est passé d’une entreprise totalement décentralisée à une marque, un nom, une cohérence dans son offre ; c’était, je pense, un franc succès.
Fort de cette nouvelle expérience, j’ai voulu mettre à profits tout ce que j’avais appris pour mener la transformation digitale d’une entreprise. Il n’y a pas de hasard, j’ai reçu un coup de fil d’un cabinet m’informant de la recherche d’un CDO par SNCF (_rires_).
De Google à SNCF… En voilà un grand écart ☺️ Pourquoi avoir choisi le groupe ferroviaire ?
D.L. : C’est en effet un grand écart. Passer d’une boite américaine née il y a 18 ans, _digital native_, qui a toujours concentré son savoir en un même endroit, dont les équipes sont alignées sur une vision commune, avec un rythme de croissance d’activité au quarter (_rires_)… Quand on m’a proposé le poste de CDO chez SNCF j’ai d’ailleurs foncé sur Google, puis j’ai interrogé mon réseau dans l’IT et le digital. Et là, belle surprise. J’ai été impressionné par ce que les équipes avaient mis en place, l’environnement digital créé, toutes ces initiatives qui ont changé notre rapport à la mobilité.
J’ai donc postulé. Nouvelle excellente surprise : l’entretien avec Benoit Tiers. J’ai immédiatement apprécié la personne, sa transparence, notre complémentarité… Par la suite, la rencontre avec Guillaume Pepy, Patrick Jeantet, Laurent Trevisani et Joëlle Bravais – pour qui SNCF doit devenir le leader européen de la mobilité terrestre – a également été déterminante. Ils partagent une vision de l’entreprise qui me convient.
Dernier point plus sociétal : je suis un citoyen français, je suis né avec SNCF, je vois cette entreprise évoluer et transformer le paysage géographique. Je voulais faire partie de son évolution.
En tant que CDO, qu’est-ce que ton expérience peut apporter à SNCF ?
D.L. : Chez Google, tout est basé sur l’expérience utilisateur : « _focus on users_ et le reste suivra ». Je suis d’accord avec ce principe. Voyant un peu toutes les initiatives qui sont prises chez SNCF (particulièrement sur l’application SNCF ou encore le développement du NFC ), j’ai le sentiment que nous allons dans la bonne direction. Les talents qui composent mon équipe et mon expérience vont nous permettre de rationaliser ces initiatives pour fournir un service unifié à nos clients.
Cette logique vaut également pour nos collaborateurs. Leurs besoins doivent être au centre, et je pense que des programmes « Digital Pour Tous », le déploiement d’outils digitaux sur le terrain ou encore l’application Cosmo vont dans ce sens. La transformation digitale est une aventure collective, nous n’arriverons à rien si nous ne nous focalisons pas sur nos salariés.
Enfin, comme l’a mentionné Benoit Tiers lors de la conférence sur la 3ème étape de la digitalisation du Groupe : « Quand on améliore la connectivité pour nos clients, on améliore simultanément celle de nos infrastructures au bénéfice de l’internet industriel ». Sur ce sujet, mon expérience dans la data m’a convaincu qu’il faut faire converger toutes nos données dans un point unique, physique ou non. Il faut les analyser et les traiter pour en extraire de l’or – c’est par exemple la logique du projet Big Data Voies -. Les entreprises qui utilisent la data de manière efficace pour transformer leur modèle ont bien compris ce principe.
Tu découvres encore l’entreprise… Un premier étonnement ?
D.L. : Je viens d’arriver et j’ai déjà eu la chance d’aller visiter le technicentre de Bischheim. J’y ai découvert un établissement dynamique et motivé, qui utilise les principes du Digital pour co-construire les innovations nécessaires à la modernisation des technicentres. Le Directeur d’établissement (DET) Alain Praxmarer applique un management de confiance et ses équipes sont enthousiastes à l’idée de donner le meilleur d’elles-mêmes. Cette posture fait de Bischheim un technicentre de pointe.
Aussi, l’écosystème est impressionnant : 5287 startups connectées à l’API ! C’est très positif : lorsque l’on a des _assets_ aussi puissants que ceux de SNCF, il ne faut pas craindre de partager ses data pour se nourrir, entre autre, de l’innovation des startups. Il ne faut pas avoir peur qu’elles deviennent des compétiteurs, mais au contraire faire qu’elles enrichissent le portfolio de SNCF.
Ensuite, une société reconnue comme un terroir d’innovation a généralement créé un environnement de travail favorable à la collaboration. Quelle belle surprise que de découvrir les 574, qui n’ont rien à envier à Google ! Ce sont des espaces très agréables, je suis ravi d’être au milieu des équipes, dans la mêlée avec tout le monde. C’est ainsi que l’on travaille efficacement aujourd’hui, en mode collaboratif donc agile.
Instant prospectiviste : dans 20 ans, comment vois-tu SNCF ?
D.L. : Je pense que SNCF permettra d’assurer un meilleur maillage du territoire. En 2000, la délocalisation des entreprises en province n’a pas été évidente car il n’y avait ni la connectivité suffisante, ni la possibilité de véritablement s’affranchir des distances. A présent, grâce à la progression du réseau et à des trains qui t’emmèneront en 2 ou 3 heures à n’importe quel point du territoire, tu permets aux entreprises et aux salariés de s’installer en dehors de Paris. Et n’oublions pas l’impact environnemental faible du train ! Grâce à son transport “vert” face à la voiture (on a passé le mois de janvier en pic de pollution à Paris), SNCF va être de plus en plus séduisante si elle sait apporter une connectivité de bout en bout du voyage.
De plus, les gares – et c’est déjà la tendance – vont devenir des points d’emploi, de commerce, de santé, des points universitaires qui vont attirer de plus en plus de monde. Je vois donc SNCF comme un véritable acteur dans le développement du territoire. Je suis fier d’avoir rejoint la grande famille des cheminots et de faire partie de cette aventure.
A ne pas manquer sur Vivatech
Rencontrez David Leborgne lors de l’événement Vivatech ! Il interviendra sur le Lab SNCF “Open Transportation” à 09h30 le jeudi 15 juin.