#Atelier574 – « Le défi de la data transformation » par Julien Lévy.
Dans cette conférence au « 574 », Julien Lévy nous questionne sur la data transformation. Quels sont les facteurs technologiques d’accélération ? Quels sont les défis des managers ? Quels sont les enjeux ? Autant de questions auxquelles il répond avec brio, exemples à l’appui.
Publié le
Par La Redaction
Qui ?
Julien Lévy est professeur à HEC et associé à NETEXPLO, où il a étudié l’innovation digitale à travers le monde.
Où ?
Au 574, le siège parisien de SNCF Digital situé à Saint-Denis (93), soit à environ 7 kilomètres de Paris, où est née Françoise Barré-Sinoussi, chercheuse en virologie et prix Nobel de médecine en 2008 pour ses recherches sur le VIH.
Quand ?
Mardi 22 septembre 2020, soit 92 ans jour pour jour après la création du premier central téléphonique automatique en France.
Quantifier pour exploiter les données
« Pour déchiffrer et agir sur le réel, le propre de la science est de quantifier le monde. Cela veut dire que tout ce que nous voyons, nous écoutons… peut être transformé en longueur, masse, temps, température, courant électrique » explique Julien Lévy. Ce mouvement de quantification du monde date de la Renaissance, le travail de la science depuis consiste donc à expliquer le monde en le quantifiant. « Est réel ce qu’on peut mesurer » écrivait Max Planck (1858-1947), cela signifie ainsi que tout le réel peut être transformé en données. « On est donc ici au cœur du sujet. Les technologies numériques ont créé une capacité extraordinaire de production et de traitement de données » ajoute-t-il.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’organiser uniquement les données, mais aussi de produire et d’exploiter des données numériques sur tout (arts, santé, activité cérébrale, connaissances humaines, environnement géographique…), partout, tout le temps et par tout type de moyens (production numérique, objets connectés, navigation en ligne, reconnaissances automatiques). « Ainsi, Il n’y a plus d’un côté les « secteurs numériques » et les « secteurs non numériques », il y a les entreprises digital native (GAFA, start-ups…) et les autres » précise-t-il.
Ce qui me semble être au cœur de la transformation digitale, c’est l’innovation dans la façon de mener ses activités.
Accélérer la data transformation grâce à des facteurs technologiques
« Quatre facteurs technologiques permettent non seulement une accélération de la data transformation, mais aussi un changement des entreprises » explique Julien Lévy.
Le premier facteur est la croissance exponentielle des données produites. Selon IBM, 90% de toute la production mondiale de données a été créé ces deux dernières années, d’autant que les réseaux et l’open data étendent leur accessibilité.
En second facteur, l’effondrement des coûts de stockage et de traitement de masse des données concoure également à cette accélération. Par exemple, pour stocker 1 Go de données, en 1965 cela coûtait $1 million, $17 en 2000 et $0,01 en 2020. On est dans une tendance à -40% par an.
La capacité de traiter à grande échelle des données non structurées (données formatées et classées selon une organisation prédéfinie) est aussi un facteur primordial. « Ainsi, des données qui n’étaient pas exploitables auparavant le sont maintenant » précise-t-il.
Enfin, le quatrième facteur est le décollage spectaculaire de l’I.A, qui a permis de contribuer à cette accélération. « On peut maintenant analyser et traiter des masses de données structurées et non-structurées et de même, on peut stimuler des taches cognitives via le machine learning notamment » détaille-t-il.
Impliquer les managers
Afin de réussir sa data transformation, Julien Lévy avance que « les managers doivent accroître les performances grâce à la production et la logistique, le commercial et le marketing, et les fonctions support (back-office) afin d’avoir une meilleure excellence opérationnelle ». Cela passe par exemple par le contrôle qualité, la maintenance prédictive, le contrôle de gestion, le ciblage comportemental, ou encore l’étude des concurrents.
Un autre point, crucial, concerne la stratégie et l’organisation des managers. Selon l’expert, leur défi est d’analyser les menaces et les opportunités concurrentielles, la gouvernance et la politique des données, et enfin l’organisation et les talents. Enfin, la responsabilité collective de l’entreprise entre également en ligne de compte en ce qui concerne le respect de la réglementation et de la vie privée, les discriminations, la responsabilité et la réputation, qui sont des enjeux primordiaux pour les managers. « Quand on commence à traiter de la donnée, il y a des enjeux de vie privée et de réputation des salariés et des clients qui ne doivent pas être mis de côté » précise Julien Lévy.
[#Atelier574?] « L’intelligence artificielle a déboulé en force après l’hiver des années 70-90 : analyse et traitement de masses de données structurées et non structurées » @Juli1Levy explique le décollage spectaculaire de l’#IA. pic.twitter.com/oxxZCp78IU
— SNCF_Digital (@SNCF_Digital) September 22, 2020
Ainsi, Il n’y a plus d’un côté les « secteurs numériques » et les « secteurs non numériques », il y a les entreprises digital native (GAFA, start-up…) et les autres.
Les enjeux de la data transformation
La data transformation est la manière dont les entreprises innovent dans leur façon de mener leurs activités en utilisant le levier de données, en vue d’améliorer leurs performances, d’accroître leur productivité et de créer plus de valeur pour leurs clients. « Ce qui me semble être au cœur de la transformation digitale, c’est l’innovation dans la façon de mener ses activités » précise-t-il.
Cela suppose donc deux enjeux différents dans la data transformation. D’un côté, la transformation de l’existant par l’accroissement des performances : coût, temps, agilité, efficacité… « par exemple, la SNCF a mis en place des capteurs de pression sur les essieux, ce qui permet au conducteur de faire la vérification de sa cabine en seulement 8 minutes au lieu de 45 auparavant » explique-t-il. De l’autre côté, l’autre enjeu primordial réside dans les nouveaux business, c’est-à-dire les nouveaux types d’offre, les nouveaux marchés, les nouveaux modèles économiques et les écosystèmes, comme l’assurance auto connectée Youdrive. « Dans les deux cas, on parle d’innovation. Innover, c’est résoudre de façon nouvelle un problème. La différence c’est que les contraintes organisationnelles sont plus ou moins fortes. Quand on transforme l’existant, les contraintes organisationnelles sont plus lourdes car il faut repenser les process, les modes de travail habituels » détaille l’expert.
Pour mener à bien la data transformation, cela suppose une forme d’ambidextrie des compétences opposées. D’un côté, l’exploitation permet de chercher à « streamliner », à se focaliser sur l’efficacité et les améliorations incrémentales à court terme. De l’autre, l’exploration consiste à essayer de nouvelles choses, itérer, échouer et essayer encore. C’est typiquement la culture des start-ups. « La difficulté, quand on parle d’innovation et de data transformation, est de passer de l’exploration à l’exploitation, car ce sont deux cultures différentes et qu’il est difficile pour les entreprises de maîtriser les deux. Le challenge est donc de faire le lien entre ces deux compétences grâce à trois facteurs clés interdépendants : la culture de l’entreprise, les personnes, et l’organisation et les processus. Pour avancer, on a besoin d’aligner ces trois dimensions » conclut Julien Lévy.