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#Atelier574 – « L’intelligence artificielle n’existe pas » par Luc Julia.

Dans cette conférence au 574 de Saint-Denis, Luc Julia fait un état des lieux de l’intelligence artificielle, telle qu’elle existe aujourd’hui. Avec beaucoup d’humour, il explique que les méthodes mathématiques et statistiques utilisées actuellement ne permettent pas à l’IA d’être intelligente. Quelles seraient donc les solutions pour la rendre intelligente, mais aussi moins énergivore ?

Publié le

Par La Redaction

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Qui ?

Luc Julia est le vice-Président de l’innovation chez Samsung. Il est également le co-inventeur de Siri et le co-fondateur de Nuance, aujourd’hui leader mondial de la reconnaissance vocale. Il est également l’auteur de « L’intelligence artificielle n’existe pas », paru aux éditions First en janvier 2019.

Où ?

Au 574, le siège parisien de la Direction générale e.SNCF situé à Saint-Denis (93), soit à environ 343 kilomètres de Londres, où est né le mathématicien Alan Turing en 1912. Après la guerre, il travaille sur un des tout premiers ordinateurs, puis contribue au débat sur la possibilité d’une intelligence artificielle, en créant le test de Turing.

Quand ?

Mardi 14 mai 2019, soit 156 ans jour pour jour après la naissance du mathématicien canadien John Charles Fields, fondateur de la médaille Fields _pour l’accomplissement exceptionnel en mathématiques.

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Genèse de l’intelligence artificielle

« J’aime bien ramener le début de l’intelligence artificielle à 1642, date de la première machine à calculer créée par Pascal », annonce Luc Julia, en début de cette conférence. La Pascaline est une première machine à calculer qui est infaillible et pourtant sans intelligence, car elle fonctionne avec une roulette simple pour faire des additions.

En 1996 et 1997 ont lieu deux matchs d’échecs entre le champion du monde Garry Kasparov et Deep Blue, un supercalculateur créé par IBM. Garry Kasparov gagne la première partie et Deep Blue gagne la seconde. Comment expliquer cette victoire de la machine sur le champion du monde ? Les scientifiques ont pu enregistrer tous les coups d’échec dans la mémoire de la machine : à n’importe quel moment, elle est donc capable de connaître tous les chemins pour gagner. La machine n’est pourtant pas intelligente, alors que Kasparov, lui, l’est.

En 2016, AlphaGo, le programme d’intelligence artificielle créé par Google, remporte la victoire lors d’un tournoi de jeu de Go contre le champion sud-coréen Lee Sedol. On est passé d’une IA qui utilise des règles à une IA basée sur des datas. Parce que la machine a la connaissance de beaucoup plus de coups qu’un humain, elle sera meilleure. Dans ce cas-là non plus, la machine n’est pour autant pas intelligente, elle a seulement utilisé sa capacité à reconnaître des parties.

En 2016 également, Microsoft lance un chatbot sur Twitter qui devient sexiste et raciste en moins de 16 heures. Que s’est-il passé ? La première raison est que le chatbot possède un niveau d’adaptabilité pour s’accommoder au langage des Twittos. Il a donc appris le langage qu’il a vu, et s’est mis lui aussi à offusquer les gens. « La deuxième explication est que le chatbot est basé sur des datas qui sont potentiellement biaisées. Il existe une base de données américaine que l’on utilise souvent, et qui regroupe des conversations téléphoniques depuis les années 1950. À priori, Microsoft a pris la partie de la base de données datant des années 1950 dans les états du sud », explique Luc Julia.

L’intelligence artificielle existe-t-elle réellement ?

L’IA est aujourd’hui basée uniquement sur des mathématiques et des statistiques. « Quand on dit que l’IA va nous remplacer, ce sont des vastes conneries, avec les mathématiques et les statistiques aujourd’hui, il est absolument impossible d’avoir l’IA générale », explique Luc Julia. « La différence essentielle entre l’IA et l’intelligence humaine, est que l’intelligence humaine crée et innove. L’IA ne crée rien du tout, elle est basée sur des règles ou sur des datas qu’on lui a fournies et qu’elle reconnaît. Ces systèmes soi-disant ‘intelligents’ ne le sont absolument pas », ajoute-t-il.

Par exemple, pour qu’une IA reconnaisse à 95%, un chat parmi des images, il faut nourrir la machine d’environ 100 000 images de chats, minimum. Pour qu’un humain de deux ans puisse reconnaître un chat à 100% même la nuit, il lui faut voir seulement deux chats. « Cela veut dire qu’il faut énormément de ressources pour accomplir une seule tache, nous sommes donc en train de créer des monstres énergivores pour des taches très limitées. Si on veut reproduire par IA autant de domaines que les humains sont capables d’utiliser et que chacun de ces domaines utilise 500 kW/h, combien de kW/h faudra-t-il pour imiter un cerveau ? Il faudra employer toutes les centrales nucléaires des Etats-Unis pour faire 10,20, 30 taches, c’est n’importe quoi », explique Luc Julia.

« L’IA, telle qu’elle est définie aujourd’hui, n’arrive donc pas au petit orteil de notre intelligence. Si on continue à faire ce qu’on fait aujourd’hui en termes mathématiques et statistiques, on va droit dans le mur, car l’IA est beaucoup trop énergivore. Par contre, si on allie d’autres domaines pour essayer de se rapprocher de ce que notre cerveau fait, on a une chance peut-être de faire des systèmes beaucoup plus intéressants et moins énergivores. Il faudra donc peut-être réfléchir à comment utiliser du small data au lieu du big data, et sûrement remplacer les statistiques et les mathématiques par, par exemple, de la biologie, de la physique quantique », conclut-il.

Punchlines

– « Quand on dit que l’IA va nous remplacer, ce sont des vastes conneries, avec les mathématiques et les statistiques aujourd’hui, il est absolument impossible d’avoir l’IA générale. »

– « La différence essentielle entre l’IA et l’intelligence humaine, est que l’intelligence humaine crée et innove. L’IA ne crée rien du tout, elle est basée sur des règles ou sur des datas qu’on lui a données. »

– « Les méthodes statistiques et mathématiques que l’on utilise aujourd’hui ne nous amèneront jamais à imiter un cerveau tel que le nôtre, il faut donc peut-être réfléchir à comment utiliser du small data au lieu du big data. »

– « L’IA telle qu’elle est définie aujourd’hui n’arrive pas au petit orteil de notre intelligence. »

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