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Chroniques de San Francisco – Le mouvement d’ouverture d’Uber

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Publié le

Par La Redaction

En ouvrant au public sa plateforme de données intitulée « _Uber Movement »,_ Uber commence l’année 2017 par une action qui n’est pas sans surprendre les critiques. Cette première annonce inaugure l’année sur un bon ton, puisqu’elle va sans doute permettre de réchauffer les relations entre l’entreprise et les pouvoirs publics.

Cependant, cette action soulève également des interrogations. On le sait, aujourd’hui, les données – riches en informations et en apprentissages – représentent un atout de plus en plus valorisé par les entreprises. Elles donnent souvent un avantage compétitif sur les autres acteurs, c’est pourquoi il convient de s’interroger : pourquoi Uber fait-il ce choix de la transparence ? Que cela va-t-il permettre ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre.

Mais d’abord, de quoi s’agit-il ?

Uber Movement est un site internet permettant l’accès public aux données de trafic de plus de 2 milliards de trajets anonymisés. Il rend possible de visualiser plus ou moins finement les zones de trafic importantes dans une ville. Le site permet notamment d’afficher les durées de trajets entre un point A et un point B à une certaine heure de la journée. C’est un peu comme ce qu’offre Google Maps pour le calcul d’itinéraire, sauf qu’ici les données proviennent des positions GPS anonymisées des milliards de trajets effectués par les chauffeurs Uber.

Toutes ces données sont traitées, analysées et mises en forme par Uber avant d’être rendu accessible sur leur nouveau site « d’open data ».

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_Aperçu de la plateforme - Washington DC_

Cette plateforme gratuite est dans un premier temps destinée aux acteurs impliqués dans le transport urbain, c’est-à-dire les agences de planning et développement ainsi que les chercheurs. Elle a ensuite vocation à être progressivement ouverte à tous avant de potentiellement être enrichie d’une API pour faciliter l’accès aux données pour les développeurs.

En contactant Uber sur l’état d’avancement des accès à leur plateforme, ils nous ont indiqué en être encore au début puisqu’ils ont pour le moment travaillé seulement avec 3 grandes villes. Ils vont ensuite ouvrir leur plateforme aux autres partenaires dans les prochaines semaines.

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_Email d'Uber_

Que permet de faire cette plateforme ?

Ce nouveau jeu de données facilite l’analyse fine des dynamiques de transport dans les grandes villes. Il s’en dégage alors une meilleure compréhension de la situation de transport, ce qui va aider dans les décisions de choix d’investissement urbain.

Etude de cas 1 : Washington DC – Utilisation de la plateforme de données d’Uber pour comprendre l’impact des arrêts de fonctionnement du MetroRail sur le trafic.

Pour mieux anticiper les impacts des arrêts de fonctionnement du Metrorail de Washington sur la circulation urbaine, la WMATA (Washington Metropolitan Area Transit Authority) a analysé les données d’Uber lors d’une précédente fermeture du métro. Elle a pu visualiser les temps de trajet ce jour-là et les comparer aux temps de trajets normaux. Elle a constaté une augmentation généralisée entre 10% et 30% du temps de trajet dans la ville pouvant même atteindre plus de 50% dans la zone allant du nord-est de la ville jusqu’à la station fermée. Elle a pu ainsi compléter son analyse par une comparaison avec les infrastructures existantes dans ce secteur, et a mesuré que dans le cas de cette zone sur-congestionnée, il existe principalement un seul grand axe de transport et une plus forte concentration de population faisant le trajet pour se rendre dans le cœur de la ville. Alors que dans les autres zones, davantage de routes secondaires sont disponibles.

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_Comparaison du temps de trafic entre un jour d’arrêt d'une ligne de métro et en temps normal_

Etude de cas 2 : 3 villes en Australie – Utilisation des données d’Uber pour mesurer l’impact des décisions de planning d’infrastructure sur les durées de trajets

L’IPA (Infrastructure Partnership Australia) a fait un partenariat avec Uber pour établir une nouvelle métrique sur  le réseau de transport.  Basée sur les données du service de l’application, cette métrique permet de mesurer plus finement les impacts des politiques d’infrastructure sur l’évolution du trafic.

L’IPA a également publié un rapport de 28 pages pour plus d’explications.

Etude de cas 3 : Manille, Philippines – Utilisation des données d’Uber pour analyser les conditions de circulation pendant les vacances et détecter les tendances de voyage.

La MMDA (Metropolitan Manila Development Authority) a analysé, en partenariat avec Uber, les conditions de trafic sur 3 sites importants dans son agglomération pendant les vacances. Cette démarche leur permet de mieux anticiper et informer les voyageurs, ainsi que de guider la ville dans ses choix de développement d’infrastructures.

– Site 1 : Centre d’affaires

– Site 2 : Aéroport international

– Site 3 : Centre de shopping

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_Temps de trajet durant les horaires de bureaux entre Timog et Makati CBD_

Quel est le raisonnement d’Uber derrière cette ouverture ?

Uber indique qu’après six années de mesure et d’analyse de son activité dans les villes, l’entreprise souhaitait partager ses données avec les communautés urbaines locales dans le but de répondre de manière informée aux enjeux et challenges des villes, ainsi que d’aider à la décision des investissements d’infrastructures. Ces dernières sont probablement l’une des raisons principales de l’ouverture de ses données par Uber, qui jusqu’à présent n’avait aucun contrôle direct ou indirect sur leur évolution.

En effet, faciliter l’accès à l’information, c’est mettre en évidence et donner des arguments tangibles aux défenseurs des nouvelles solutions de transports urbains dont Uber fait aujourd’hui partie. C’est probablement le pari que fait l’entreprise qui, en rendant ses données accessibles sous la Licence Creative Commons, sous attribution non commerciale, aide également de potentiels concurrents ou services de transport public à adapter leurs offres en fonction des migrations urbaines mesurées.

Ainsi, cette ouverture n’est ni complètement altruiste ni purement intéressée. Il est néanmoins intéressant de noter qu’en plus de tenter indirectement de favoriser les aménagements facilitant le développement de son business, Uber redore son blason et fait une démonstration de la puissance de son expertise de traitement de la donnée. Cela illustre également la forte stratégie centrée sur les données de l’entreprise digitale.

En synthèse, c’est donc une décision vertueuse, saluée par l’écosystème du transport urbain et qui s’inscrit dans une tendance plus générale de la Silicon Valley, illustrée par la formule « Pay it Forward » qui consiste à contribuer positivement à un écosystème en espérant des retombées positives futures.

Pour poursuivre la découverte

Retrouver la précédente Chronique de San Francisco ainsi que le compte-rendu de l’Atelier 574 « Vers une nouvelle révolution spatiale »

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