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Conf’574 – « Le metaverse sera-t-il vraiment l’internet du futur ? »

Dans cette conférence au « 574 », Julien Nicolas, Rémy Pruniaux, Martin Charlemagne et Frank Doute abordent la thématique du metaverse, très en vogue depuis le lancement de Meta par Mark Zuckerberg. En quoi consiste le metaverse ? Comment fonctionne-t-il ? Quels seront les usages de celui-ci, et notamment pour SNCF ? Autant de questions auxquelles les experts SNCF répondent.

Publié le

Par La Redaction

metaverse

Qui ?

Julien Nicolas est directeur numérique du groupe SNCF. Rémy Pruniaux et Martin Charlemagne font partie de l’équipe prospective et stratégie numérique du groupe SNCF. Frank Doute fait partie de la Fab AR/VR.

Où ?

Au 574 Saint-Denis, l’une des maisons numériques du groupe SNCF, soit à environ 5 kilomètres de la Cité des sciences et de l’industrie, ouverte dès 1986.

Quand ?

Mercredi 15 décembre 2021, soit 6 ans jour pour jour après que le système européen de positionnement par satellite Galileo soit devenu opérationnel.

Le metaverse est un monde virtuel, fictif, connecté et immersif. Facebook a été la première entreprise à investir significativement sur cette technologie avec Meta, mais aussi Apple, Google, Microsoft… De plus, les technologies deviennent suffisamment matures pour accueillir le metaverse : les casques sont aujourd’hui moins lourds et moins chers ; la vitesse des processeurs et des cartes graphiques a fortement augmenté ; la blockchain et le NFT permettent de faire des achats dans ce monde virtuel.

« Pourquoi ce point d’échange sur le metaverse aujourd’hui ? Parce que la SNCF réalise des veilles actives sur tous les sujets en rupture, et celui-ci en est un. Nous pensons également qu’il y aura des usages pour SNCF autour de la formation, la sollicitation d’experts à distance, le travail collaboratif, mais aussi en BtoC (modélisation de nos gares, achat par les clients…) », introduit Julien Nicolas, directeur numérique du groupe SNCF.

Qu’est-ce que le metaverse ?

Meta veut dire « au-delà » et Verse « Univers ». Metaverse est un terme qui a été créé par la littérature de science-fiction, notamment par l’écrivain Neal Stephenson qui a publié le roman Snow Crash en 1992. Cet univers cyberpunk a influencé la littérature mais aussi le cinéma, avec par exemple Matrix, le film qui a popularisé ce concept d’univers parallèle ou metaverse ou encore Ready Player One de Steven Spielberg en 2018. « Le premier concept du metaverse qui est intéressant, c’est de pouvoir être quelqu’un d’autre dans un monde virtuel, et donc de pouvoir s’échapper du monde réel. », explique Rémy Pruniaux. « Il faut savoir que Matthew Ball, un Venture Capital spécialiste du metaverse qui en parle depuis plusieurs années, le définit comme un monde virtuel en 3D qui est persistant, c’est-à-dire qu’il évolue même si votre avatar en sort. Le metaverse est également synchrone et en direct, donc il y a des événements qui peuvent être organisés, comme le concert de Travis Scott dans Fortnite pendant le premier confinement qui a réuni environ 30 millions de personnes. L’autre caractéristique et objectif du metaverse est donc qu’il puisse contenir un nombre illimité d’utilisateurs. », ajoute-t-il.

Le metaverse fonctionne par interopérabilité, sa caractéristique fondamentale. Pour que cela puisse fonctionner, il faut que l’avatar d’une personne puisse évoluer entre les différents mondes virtuels. Aucune plateforme ne pourra donc prétendre gérer l’intégralité du metaverse.

matrix
Matrix (Crédit : Warner Bros.)

Pourquoi le metaverse apparait-il aujourd’hui ?

« On a tendance à dire que pour qu’une technologie soit prête, il faut que le hardware, le software et les utilisateurs soient prêts. », explique Martin Charlemagne. « Sur la partie hardware tout d’abord, nous sommes quasiment prêts, avec les casques de réalité virtuelle, les smartphones, les ordinateurs, les consoles de jeux vidéo ; le hardware peut aujourd’hui supporter des mondes virtuels de metaverse. Côté serveurs aussi, c’est le bon timing, nous avons énormément de data centers actuellement et la connectivité est bonne. Sur la partie software, Unreal Engine et Unity sont deux sociétés qui commercialisent des moteurs de jeux et de films en images de synthèse. Ensuite, il y a des jeux comme Roblox, Minecraft et Fortnite qui se vendent comme des bases de metaverse, puisque ce sont des mondes virtuels dans lesquels on évolue avec un avatar. Les softwares, tels que The Sand box, Somnium Space, Decentraland ou Cryptovoxels, utilisent la technologie Blockchain en plus, et ont donc un coup d’avance sur les jeux comme Fortnite. » détaille-t-il.

« Côté utilisateurs, 60 % de la population mondiale est connectée à internet, et cette population passe en moyenne 11 heures par jour derrière un écran. Les utilisateurs sont déjà derrière leurs écrans, il suffit donc juste de leur proposer un nouvel usage. C’est une prolongation des usages que l’on a déjà actuellement » ajoute Rémy Pruniaux.

Les composants du metaverse :

L’infrastructure, c’est ce qui permet au metaverse d’exister (5G, 6G, Wifi 6, Cloud, GPUs, Nanotechnologie). L’interface, soit les mobiles, les smartglasses, les wearables, l’haptique, les gestes, la voix et le neural. « Par rapport à la réalité virtuelle, l’haptique notamment devient beaucoup plus performant, afin de rendre l’internet beaucoup plus immersif qu’il ne l’est actuellement. », précise Rémy Pruniaux. La décentralisation, avec l’utilisation de la Blockchain, des micro services, des technologies de Edge computing et bien entendu de l’intelligence artificielle. Le Spatial Computing, avec les moteurs 3D, les VR/AR/XR, ou encore l’Interface utilisateur multitâche. L’économie de la création, avec des outils design, un marché des actifs, un workflow et un commerce.

    La découverte, avec les réseaux publicitaires, le social media, la notation et les magasins.

  • L’expérience, avec les jeux vidéo, le social, l’e-sport, le cinéma et le shopping.

Metaverse et Web 3.0.

« Le metaverse, c’est aussi revenir un peu à ce fondement originel et utopique d’internet, qui était de pouvoir se connecter avec n’importe qui à travers le monde. Il y a un lien très fort entre le metaverse et le web 3.0., qui est le web décentralisé dans lequel on remet les utilisateurs directement en lien, un peu comme à l’époque peer-to-peer mais de manière légale. Beaucoup d’analystes disent aussi que cela peut être un moyen pour l’Europe de reprendre un peu la main sur internet. Les enjeux sont donc assez larges autour du metaverse et du Web 3.0. », conclut Rémy Pruniaux.

Les usages du metaverse

Metaverse et économie

Le metaverse génère une véritable économie. Cela a commencé avec les NFT (Tokens Non Fongibles) issus d’une blockchain (un NFT est unique et ne peut être échangé contre un autre Token similaire). Beaucoup de marques de mode s’en accaparent (Gucci, Nike…), mais aussi achètent de l’immobilier dans le metaverse pour créer des Champs-Elysées ou une 5e avenue virtuels. En art, Christie’s, la célèbre maison d’enchères londonienne, a également vendu des NFT.

Les usages possibles aujourd’hui

Entertainment : Star Wars a présenté son épisode 9 dans Fortnite, Ariana Grande était également dans Fortnite (78 millions de spectateurs), ou encore Ed Sheeran dans Pokémon Go.

Social : Horizon World de Meta (anciennement Facebook), a été annoncé début décembre et est maintenant accessible. Fortnite a également décidé de lancer un mini-jeu, Party worlds, qui permet de passer du temps avec ses amis dans un monde virtuel.

Marketing : Les marques investissent le metaverse, notamment Nike qui a créé Nikeland sur Roblox et a racheté une marque de mode digitale basée sur des NFT. « Ce qui est intéressant au niveau marketing, c’est que cela permet aux marques de tester leurs produits, mais surtout, comme elles ont accès à une économie de contenu sur une plateforme ouverte, les personnes pourraient proposer des designs à Nike et ensuite leur vendre par exemple. », explique Rémy Pruniaux.

B2B – collaboration : Meta et Microsoft ont annoncé un partenariat pour intégrer Teams à Workplace. L’idée c’est qu’on puisse utiliser des avatars dans Teams.

B2B – Industrie : Nvidia se positionne énormément sur la partie industrielle en créant l’Omniverse. « L’entreprise a créé ce metaverse à destination des créateurs de contenu, mais selon eux, ce ne seront pas des gamers, mais plutôt des scientifiques, des créateurs et des entreprises. » explique Martin Charlemagne. « Quand on parle industrie et metaverse, on parle surtout de jumeau numérique, c’est l’usage le plus intéressant de pouvoir interagir avec le jumeau numérique d’un appareil industriel ou, prenons un cas d’usage SNCF, avec un matériel roulant pour former ou pour faire des scénarios de crise. » ajoute-t-il.

B2G – Service public : Seoul compte créer dès 2023, dans le cadre de « Seoul Vision 2030 », un metaverse pour, par exemple, avoir un guichet de mairie, visiter des attractions touristiques, ou encore participer à des festivals.

Test d’un metaverse SNCF

conference metaverse sncf

Frank Doute, de la Fab AR/VR, présente un test de metaverse SNCF, dans un environnement de bureau et celui d’une gare. « La matière première du metaverse est le modèle 3D, on peut ensuite créer différentes applications à partir de celui-ci. Dans cet esprit du metaverse, on peut créer des environnements connectés et collaboratifs, qui nous permettent d’effectuer différentes expériences, des réunions collaboratives, des présentations auprès de nos clients. Ces environnements virtuels doivent donc être multi-usages, afin de répondre à nos besoins de présentations d’offres. Ils serviront également à piloter nos équipes et nos projets, faire du management visuel, des réunions collaboratives, tout cela dans un seul environnement. On pourrait avoir des environnements pour chaque société anonyme SNCF (SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe, SNCF Voyageurs, Geodis et Keolis) comme cela, par exemple, la Fab AR/VR pourrait aller faire des réunions avec Gares & Connexions à distance. », explique-t-il. « Avec les différents modes de travail, présentiel ou distantiel, le virtuel permet d’avoir un lieu unique où l’on aura un niveau d’interaction extrêmement fort, c’est cela qui est intéressant. » ajoute-t-il.

Concernant l’impact carbone, il faut savoir que lorsqu’on développe un environnement en VR, on doit tout optimiser : ce test de metaverse que nous faisons actuellement pèse à peine 400 Mo. Cela aura vraiment un impact carbone favorable et c’est très peu énergivore au niveau de l’environnement.

« Ce qu’on aime également avec la VR, c’est le côté extrêmement simple d’usage, si j’ai besoin de quelque chose, je le saisis, je n’ai pas besoin d’utiliser des menus complexes. Le Metaverse de SNCF se veut ouvert, collaboratif et super simple d’usage. » conclut-il.

Les possibilités de cette technologie

« L’une des possibilités qu’offre le metaverse est l’inclusion, par exemple une personne en situation de handicap pourra devenir à nouveau mobile dans un monde virtuel. Cette notion d’inclusion, où tout le monde peut être qui il veut, comme le dit le protagoniste de Ready Player One », explique Martin Charlemagne. « Cela permet donc une réinvention de soi si on le souhaite. » ajoute-t-il. Les interactions seront également à l’honneur dans le metaverse, et permettront de recréer du lien dans un contexte post-pandémique, et favoriseront les relations sociales. L’enseignement ludique et la gamification permettent, eux, un ancrage fort et de développer une autre manière de former. Côté création, cela va permettre aux créateurs de trouver une nouvelle source de création et donc de revenus. « Bien entendu, le metaverse a aussi ses limites, comme l’hyperconnexion, l’addiction, la modération, les effets psychologiques, et enfin la consommation énergétique dès lors que l’on souhaite un univers entier dans le métaverse comme dans Ready Player One, ce qui crée un système beaucoup plus énergivore. », conclut Rémy Pruniaux.

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