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La migration de l’IT dans le Cloud, par les experts SNCF

L’un des exemples emblématiques de synergie entre Digital et Systèmes d’Information était présenté lors du congrès Cloud Computing World Expo : la migration de l’IT dans le Cloud. Pour en illustrer les différents aspects, étaient invitées deux figures de cette transformation chez SNCF : Raphaël Viard (CTO) lors de la conférence « Le Cloud, tremplin pour réussir la transformation digitale et socle des grands bouleversements technologiques » et Thierry Favier (Chef de division, Architecture et Projets Techniques) pour « Faire migrer l’IT ‘legacy’ (SI existant, historique) vers le Cloud ».

Publié le

Par La Redaction

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Le 21 et 22 mars derniers se tenaient l’IoT World, le Cloud Computing World Expo et le Solutions Datacenter Management, événements majeurs sur les questions d’internet industriel. Deux des tables rondes présentaient la manière dont SNCF positionne le Cloud au sein de sa transformation digitale, notamment via la migration de l’IT historique. « Avec plus de 1 200 applications adressant quelques 200 000 personnes/postes de travail, environ 30 000 serveurs répartis dans nos 4 data centers… Nous avons la conviction que SNCF doit « cloudifier » son IT historique » présente en introduction Thierry Favier. Il sera complété par Raphaël Viard : « Il y a quasiment 90% des nouvelles solutions de type progiciel qui partent en mode Cloud. Je pense qu’à la fin de notre transformation, plus de 60% de nos environnements seront ainsi ». Retour sur ces deux conférences dont les différents angles d’approche permettent une vue d’ensemble plus exhaustive sur le sujet.

Le choix du Cloud par des cas d’usages concrets

Question simple mais primordiale: pourquoi cette migration ? Thierry Favier y répond honnêtement: « A l’échelle de SNCF, maintenir des data centers est un processus très lourd. De plus, nous avons une certaine dette technique ». Moderniser par le Cloud permettrait donc de rester compétitif tout en réalisant des économies. Thierry Favier illustre son propos par quelques chiffres: « Au niveau des dépenses informatiques annuelles, nous sommes à 1 250 000 000 d’euros pour 32 milliards de chiffre d’affaire ; nous sommes donc sur des ratios élevés. Nous cherchons de la valeur avec un ROI (retour sur investissement) important et à l’échelle de l’entreprise, cela représente plusieurs dizaines de millions d’euros. Voilà ce que le Cloud nous permettrait ».

Ce choix de migration a été porté par quatre cas d’usages, présentés par Raphaël Viard: la collaboration au sein de l’entreprise étendue, les usages de l’IoT et du Big data, la transformation de l’existant et enfin l’achat de solutions exclusivement en mode Cloud. Le premier porte donc sur une meilleure collaboration entre les salariés, la favorisation d’un partage des connaissances plus fluide et l’évolution du poste de travail ; l’un des exemples les plus aboutis aujourd’hui est l’implémentation d’Office 365. Cependant, comme le rappelle le CTO, l’utilisation de cette suite n’est pas sans présenter un certain nombre de challenges : «L’évolution rapide des outils fournis pose quelques sujets sécurité».

«Microsoft met régulièrement de nouveaux services à disposition des utilisateurs, ces derniers commencent à s’en servir sans forcément que nous ayons la réactivité suffisante pour analyser les risques». Mais cette « difficulté » s’avère finalement productive, car elle oblige un « changement de paradigme » dans la gestion de la sécurité et du déploiement de nouvelles solutions. Le deuxième cas d’usage est apparu au lancement de projets s’appuyant sur l’IoT et le Big Data : « Nous savons que nous aurons des montées en charge importantes, que ce soit sur les milliers de capteurs déployés (smart énergie, train connecté, maintenance préventive du réseau ferré…) ou sur les téraoctets de données que nous aurons à traiter », explicite Raphaël Viard. Et d’ajouter : « Dans le cas du Big Data et de l’IoT, l’élasticité de l’écosystème et des solutions Cloud trouve tout son intérêt », le Cloud permettant entre autre de produire de la ressource de manière instantanée et d’absorber les pics de charge.

Le troisième cas – la transformation de l’existant et notamment des data centers – est fondamental pour une entité dont la volonté est de se diriger vers toujours plus d’industrialisation de sa production. Le quatrième résulte d’un constat quant à l’état de l’art : certaines solutions n’existent plus qu’en mode Cloud, notamment SaaS (exemple du domaine du CRM ). Au sein de SNCF, les applications doivent donc être « Cloud Ready » par construction : « C’est ce que nous demandons à nos DSI, pour 9 applications sur 10 » précise Thierry Favier.

Comment migrer l’IT dans le Cloud ?

La mise en place du Cloud est un long processus ayant déjà fait l’objet d’évolutions. En témoigne la transition des solutions Big Data de l’interne au Cloud public, et le choix de la plateforme IBM Watson IoT : « Elle correspondait le mieux à nos critères de sélection et nous offre la capacité de développer dessus, en mélangeant Cloud public/privé » (Raphaël Viard).

Si cette hybridation du Cloud SNCF est également présentée par Thierry Favier, ce dernier appuie la création d’une « usine » dédiée à la migration, permettant de déterminer les techniques et métiers facilement migrables en limitant au maximum les tests de non régression . Cette construction requiert plusieurs étapes, notamment la cartographie des applications et de l’activité générale de SNCF : « En ce moment, nous effectuons du « data crunching », ce qui revient à analyser les données de référence et à les placer dans un « data lake ». Nous travaillons avec une application de Capgemini permettant de définir des ordres de décision. Ces derniers nous aident à déterminer s’il est possible et nécessaire ou non de migrer vers le Cloud ».

Quelques mois après le début de l’étude, les résultats sont déjà visibles : « Les premières analyses du data lake nous permettent d’évaluer qu’entre 35 et 45% de notre parc applicatif serait migrable sur un Cloud hybridé ». Autre étape de construction de cette « usine de migration », la chasse aux applications sans valeur : « Nous devons nous recentrer sur nos métiers pour limiter ces dernières ». En termes d’agenda, le groupe ferroviaire s’est donné 4 à 5 mois de construction de cette usine, tandis que la détermination des enjeux de migration en eux-mêmes « demande entre 18 et 24 mois ». Sans oublier la mise en place de processus d’automatisation lorsque possibles : « Chez nous comme ailleurs, il y a pas mal de process présentant des ruptures. Il faut donc travailler sur leur robotisation : c’est un pré requis pour pouvoir créer la « migration factory » ».

Comment la migration vers le Cloud impactera-t-elle les collaborateurs ?

Outre des évolutions technologiques importantes,le passage de l’IT dans le Cloud pose également de véritables sujets RH. Pour Raphaël Viard, la question essentielle se porte sur la transformation des métiers : « Le principal sujet, c’est l’évolution des compétences : comment est-ce que nous parvenons à accompagner le marché, et comment est-ce que nos collaborateurs, qui hier étaient des spécialistes de la production dans nos data centers, deviennent des spécialistes du Cloud et parviennent à fournir à l’ensemble du Groupe les services qui en découlent ».

Thierry Favier approfondit la problématique, tout d’abord en rappelant pragmatiquement que considérer des réductions de coûts revient à identifier les prestations externes comme variables ajustables – ce qui implique d’avoir les savoir-faire nécessaires en interne – : « La partie métier à valeur doit être portée par les collaborateurs SNCF : ne le voyez pas de manière négative, mais si réduction il y a elle se fera sur la partie prestation externe.

A terme, il faut que nous puissions transformer le portfolio de nos fournisseurs en un catalogue de services SNCF en propre ».

Ainsi, les nouvelles professions nées de la transformation de l’IT doivent être occupées par des collaborateurs internes: « D’un point de vue RH, l’accompagnement va être sur la transformation de certaines fonctions, car les DSI métiers et les métiers eux-mêmes n’auront pas la capacité de maitriser le niveau de compréhension de ce qui est proposé par les acteurs externes. Il faut donc que nous permettions ce niveau d’abstraction et que nous développions ces nouvelles spécialités, comme « delivery manager » ». Malgré des cheminements explicatifs différents, les deux intervenants parviennent à la même conclusion : Raphaël Viard présente comme « une très bonne chose » cette évolution des métiers, à l’instar de Thierry Favier qualifiant de vertueuses ces « nouvelles manières de penser l’informatique chez nos acteurs internes ».

Conclusion : le Cloud comme disruption de l’IT

Si Thierry Favier et Raphaël Viard sont tous deux de fervents défenseurs de la « Cloudification » entamée par SNCF, ils restent néanmoins pragmatiques quant à sa généralisation forcée. En effet, selon Thierry Favier : « Il ne faut pas croire que l’on peut tout y mettre, non seulement parce que tout n’a pas vocation à y aller (Raphaël Viard citera en exemple les données protégées par le secret militaire), mais également parce que c’est vouloir parfois casser des modèles et des opérations qui font fonctionner l’entreprise ». Pour éviter de tomber dans cet écueil, les deux intervenants enjoignent leur auditoire à toujours se poser la question de la valeur ajoutée et des gains engendrés par la migration. Mais au-delà des impératifs techniques et économiques, le Cloud aura au moins permis de repenser la gestion de l’IT. Comme le donne en conclusion Thierry Favier : « Le fait de bousculer nos acquis, de repenser la manière de produire et gérer notre patrimoine applicatif, c’est déjà une très belle avancée ».

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