L’IA comme assistant de supervision ferroviaire
La supervision ferroviaire est un métier complexe, qui nécessite de surveiller une quantité considérable d’informations (circulation des trains en temps réel, demande passagers…), et de trouver rapidement une solution de recouvrement en cas d’incident (malaise voyageur, incident sur l’infrastructure, train en panne…). Le projet CAB (Cockpit et Assistant Bidirectionnel), piloté par l’équipe IA de la Direction Technologies, Innovation et Projets Groupe (DTIPG) SNCF, vise à concevoir un outil d’aide à la décision pour aider les opérateurs dans la gestion des incidents. Explications.
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Par La Redaction
Les agents des centres opérationnels ferroviaires ont pour mission de gérer le plan de transport, les différentes ressources humaines et matérielles, mais également d’informer et de prendre en charge les voyageurs. La supervision ferroviaire prend en compte de nombreuses informations issues d’outils et d’acteurs différents.
Un train en retard peut retarder les trains qui le suivent sur la même ligne. Trouver rapidement une solution efficace pour résoudre un incident peut s’avérer complexe pour les équipes des centres opérationnels. L’intelligence artificielle ne pourrait-elle pas aider l’opérateur dans sa recherche de solutions optimales ? Si oui, comment permettre une coopération entre les deux sans perturber l’opérateur dans ses tâches ? En réponse, le projet CAB, réalisé dans le cadre d’un partenariat entre l’IRT System X et plusieurs grandes entreprises (groupe SNCF, Dassault, Orange, RTE), s’est proposé de concevoir un assistant de supervision fondé sur l’apprentissage par renforcement humain. L’IA s’enrichit donc des expériences passées pour aider à la prise de décision et d’exécution. Pourquoi cette technologie ?
Ce type d’approche vise à créer une vraie collaboration opérateur-machine permettant d’utiliser pleinement le potentiel de chacun. L’objectif étant d’assurer que l’opérateur reste dans la boucle à toutes les étapes du traitement d’un incident et valide la décision.
Lorsqu’un incident ferroviaire survient, l’opérateur échange avec l’IA pour trouver la solution la plus optimale en fonction d’indicateurs choisis, comme le temps d’attente des clients, par exemple. Il peut alors décider ou non de suivre des recommandations ou d’en coconstruire avec l’IA. L’enjeu pour l’IA est de comprendre la situation, de proposer des solutions pertinentes pour faciliter le traitement de l’opérateur.
Cet assistant prend la forme d’une interface web qui fonctionne sur PC et sur tablette tactile, et pourquoi pas dans le futur, sur des grandes tables tactiles.
Prenons un exemple concret. Un opérateur dans un centre opérationnel TGV doit faire face à un malaise voyageur dans une rame. Il peut y avoir un impact sur les autres circulations. Faut-il alors détourner des trains si le réseau le permet ou bien attendre que le train puisse repartir en fonction du délai de traitement du malaise voyageur ? Cette décision devra être prise en fonction de plusieurs paramètres, comme ici le nombre de voyageurs. Selon les cas, les données à prendre en compte sont l’humain, l’environnement géographique, l’environnement technique et matériel ainsi que la météo. D’un point de vue opérationnel, il faut aider l’humain à faire le tri parmi les informations, lui présenter un éventail réduit de solutions pour lui permettre d’aller au plus vite dans la prise de décision.
Un apprentissage de l’IA par renforcement avec retours humains
Dans CAB, nous n’utilisons pas de bases préétablies de solutions de supervision. En effet, le paradigme d’apprentissage que nous avons choisi consiste plutôt à entraîner une IA par interaction directe avec un environnement (réel ou simulé). En l’occurrence, nous utilisons un simulateur de l'environnement ferroviaire. Au cours de son apprentissage, l’IA explore alors les solutions possibles dans une variété de contextes, leurs enchaînements et leurs impacts (évolution des circulations, mesures de performance…) : elle constitue ainsi sa propre base d’expériences. Dans CAB, nous allons même un cran plus loin : en plus d’un apprentissage « sur le terrain » (via le simulateur), l’IA s’inspire des retours d’expérience de l’opérateur humain. Lorsque celui-ci est insatisfait des recommandations de CAB, l’IA apprend à se rectifier en conséquence.
Comment a-t-on implémenté le simulateur et en quoi est-il réaliste ? Après avoir croisé plusieurs critères de choix, les équipes se sont appuyées sur un simulateur open source appelé FlatLand, et ont apporté des développements propres au projet pour garantir un niveau de réalisme suffisant. Le simulateur est à présent adapté au besoin. Nous travaillons maintenant à entraîner l’IA par renforcement, en interaction avec l’environnement.
Déroulement du projet
Le projet, né en 2020, a une phase de développement en quatre ans. Il est issu d’une volonté commune des différents partenaires de trouver une solution à destination des opérateurs, face au nombre croissant de données à traiter pour prendre des décisions et à la complexité des infrastructures. La question de l’anticipation du traitement des incidents est également au cœur du projet.
Actuellement, nous préparons la troisième version de l’assistant CAB, qui contiendra les bonnes pratiques à donner à l’opérateur et la forme qu’elles doivent prendre (timelines, graphiques…). Nous aurons aussi toute la partie apprentissage de l’IA avec l’humain dans la boucle.
La phase actuelle consiste à préparer le prochain POC (Proof of Concept), qui doit incorporer le concept de bidirectionnalité, où les opérateurs pourront à la fois enseigner à l’IA et apprendre d’elle. Ce POC est réalisé avec System X et les autres partenaires, avec une interface homme-machine (IHM) générique et un moteur de recommandation spécifique à chaque entreprise.
La phase actuelle consiste à préparer le prochain POC (Proof of Concept), qui doit incorporer le concept de bidirectionnalité, c’est-à-dire des moyens pour les opérateurs « d’apprendre à l’IA, mais aussi de l’IA ». Ce POC est réalisé avec System X et les autres partenaires, avec une interface homme-machine (IHM) générique et un moteur de recommandation spécifique à chaque entreprise.
La version finale est prévue pour mars 2024. Ensuite, l’enjeu sera d’industrialiser l’outil et de mettre en place les procédures nécessaires. Cette fonction d’IA bidirectionnelle est totalement nouvelle et innovante. Le POC va permettre de vérifier le potentiel d’une telle approche, expliquent les deux experts.
Comment l’assistant CAB fonctionne-t-il ?