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Denfert : un outil de simulation au service de la ponctualité

Cyril Leboeuf, chef de projet au sein de la Direction Sécurité et Exploitation de SNCF Voyageurs, réalise des études avec le logiciel DENFERT, un simulateur de l’exploitation ferroviaire. Adapté aux règles de signalisation française, ce dernier est utilisé depuis cinq ans par Transilien. Mi-novembre, son usage sera optimisé et élargi avec le passage sur le Cloud Azure SNCF et l’ajout de nouvelles fonctionnalités.

Publié le

Par La Redaction

ponctualité train

Le réseau ferroviaire d’Ile-de-France enregistre quotidiennement 3,2 millions de voyageurs, ce qui représente 6200 trains. Il concentre à lui seul plus de la moitié du trafic de la SNCF sur 10% du réseau ferré national. Une zone très dense de circulation où les attentes des voyageurs en termes de ponctualité sont importantes.

Mieux contenir les incidents d’exploitation du quotidien

Les petits aléas quotidiens : retards au départ des trains, sur-stationnements dans les gares pour des questions d’affluence voyageurs et travaux représentent la majorité des perturbations du réseau. Le rôle de la cellule Exploitation de Transilien est de réfléchir en amont à ces situations puis proposer des adaptations du plan de transport ou des investissements sur l’infrastructure afin de minimiser leurs conséquences sur la ponctualité des voyageurs : « Grâce à Denfert, nous pouvons simuler différents plans de transport que l’on va soumettre à des aléas divers et variés. C’est ce que l’on appelle des stress tests et en fonction des résultats obtenus, nous sommes en mesure de proposer un plan de transport très robuste et adapté aux attentes de déplacements de nos voyageurs » explique Cyril Leboeuf.

Autrement dit, grâce à Denfert, la cellule exploitation de Transilien peut mesurer le temps de retour à la normal du plan de transport en le soumettant à différents incidents, puis décliner ses résultats sous forme d’indicateurs de ponctualité comme le temps de retour à la normal du système, le retard cumulé des trains, l’évolution du retard moyen ou la proportion des trains ayant plus de cinq minutes de retard à leur terminus.

En plus du module de simulation ferroviaire, Denfert comprend aussi un module de conception des horaires : « le logiciel nous permet de vérifier que les trains sont bien en mesure de suivre les horaires théoriques de départ et d’arrivée que l’on propose (capacité de freinage et d’accélération, vitesse maximum permise sur la ligne). Le logiciel est aussi capable de vérifier que les trains dans leurs horaires rencontreront bien tous les signaux de leur itinéraire à voie libre, soit l’équivalent du vert de la circulation routière » détaille le responsable.

Etudier les refontes d’offre

Les études d’exploitation sont étroitement pilotées par les Directions de production des Lignes Transilien en lien avec l’autorité organisatrice des transports : IDFM (Île-de-France Mobilités). Elles peuvent concerner des refontes d’offre comme d’importants chantiers travaux qui peuvent impacter durablement la régularité et la desserte d’une ligne (construction des gares du Grand Paris, travaux de maintenance et de modernisation sur le réseau …).

Ces études peuvent prendre plusieurs mois, une durée qui est notamment liée à la complexité et à la densité du réseau Ile-de-France : « sur la plupart des sections, nous sommes souvent à plus de dix trains par heure par sens, du haut débit pour le ferroviaire ! » souligne Cyril.

Les équipes de Transilien interviennent actuellement sur les études d’exploitation du projet Eole, le prolongement du RER E à l’Ouest de Paris. Un chantier de plusieurs milliards d’euros : « Il sera mis en service en 2023, nous attendons plus de 600.000 voyageurs par jour » développe-t-il, et précise que « cela représentera en 2025 plus de 22 trains par heure qui circuleront automatiquement à plus de 140km/h à un intervalle de 108 secondes contre 180 secondes avec la signalisation classique ». Ceci avec un objectif de ponctualité élevé : 95% des voyageurs doivent arriver à destination avec moins de 5 minutes de retard.

plan réseau SNCF

Etablir le gain d’une offre de transport ou d’un investissement

Avant l’utilisation de cet outil, il était impossible de motiver objectivement le bien fondé d’un investissement ou d’une refonte d’offre : « nous avions des discussions permanentes entre experts de l’exploitation. Tout le monde n’était pas forcément d’accord sur le diagnostic, sur la hiérarchisation des problèmes et le gain réel d’une solution par rapport à une autre. C’est à partir de ce constat là que Transilien a décidé de se doter d’un simulateur pour objectiver le gain de robustesse apporté par des évolutions d’offre ou d’infrastructure et passer ainsi d’une discussion contradictoire vers une analyse chiffrée des projets » explique Cyril Leboeuf.

Denfert a aussi permis d’améliorer le dialogue avec l’autorité organisatrice des transports et les associations d’usagers. Par exemple l’échange avec l’association « Plus de trains » sur le cas des suppressions partielles des trains de la ligne U. « L’association d’usagers nous a demandé d’étudier des solutions visant à acheminer des trains de la ligne U jusqu’à la Défense en limitant le plus possible les ruptures de charges subies par les voyageurs en cas de retard de leurs trains. Nous avons testé et évalué plusieurs mesures de régulation permettant à plus de trains de relier la Défense en cas de perturbations. Au final, la solution retenue et mise en place nous a permis de réduire le nombre de suppression de trains entre 2018 et 2019 » détaille le Responsable.

Gagner en efficacité, favoriser les collaborations

Fin septembre, toutes les données de simulation générées par Denfert seront traitées au sein du Cloud Azure SNCF : « Cela va nous permettre de mutualiser les ressources de calculs et d’accéder à des machines virtuelles de calculs de haute performance, utilisées dans d’autres domaines comme la mécanique des fluides, ou la modélisation météorologique. Nous estimons pouvoir descendre à des temps de calculs divisés par six. Cela nous permettra aussi d’accélérer les synergies et le mode collaboratif pendant la réalisation des études au sein du Groupe SNCF et avec les ingénieries externes » détaille le Chef de Projet.

Par ailleurs, Transilien collabore aussi avec la Fab Big Data pour identifier les comportements réels des conducteurs de trains et implémenter ces données dans l’outil. L’idée est de s’appuyer sur les boites noires des trains -les données Atess- pour modéliser plus finement l’hétérogénéité des comportements de conduite.

Mansour Sarr, chef de projet au sein de la Fab Big Data, détaille sa méthodologie de travail : « Cyril nous a demandé une étude statistique sur la totalité des trajets de la ligne J. Grâce à Atess, nous avons une source de données récupérable, avec tout l’historique des trajets enregistrés sur la ligne en 2019 ».

En récupérant et traitant ces datas, l’équipe de Mansour a pu analyser des profils de conduite, et présumer que les retards allaient déterminer certains profils de conduite type : « nous avons analysé le trajet entre Mantes-la-Jolie et Paris, composé de plusieurs arrêts et, entre chaque intergare, nous avons trouvé entre deux et cinq manières de conduire différentes » explique Mansour.

L’intégration des profils de conduite permettra d’affiner la précision du simulateur de l’application Denfert. Entre autres, il sera possible d’évaluer l’influence des comportements de conduite sur l’exploitation.

Etendre l’analyse à tout le réseau via l’automatisation

analyse données circulation train
Crédit : [thisisengineering](https://unsplash.com/@thisisengineering){target=_blank}, Unsplash

Pour la suite du projet, Chloé Sekkat, stagiaire Data Scientist à la Fab Big Data, s’intéresse à l’impact de la météo sur la circulation ferroviaire : « les données météos sont très utiles, la pluie, la neige ou les périodes de fortes chaleurs peuvent influencer les conditions d’adhérence ou les vitesses de circulation. L’analyse data révèlera l’influence de la météo sur les comportements de conduite » détaille-t-elle.

Enfin, l’équipe Big Data souhaite étendre les analyses à d’autres lignes potentielles. Pour l’instant, elle se concentre sur celles de la banlieue de Paris-St-Lazare. La méthode mise en place est en effet réutilisable facilement sur d’autres lignes car, comme l’explique Mansour, « ces analyses sont reproductibles car quel que soit la ligne concernée, les données ont toutes le même format. Nous pouvons donc automatiser leur traitement dès lors que nous renseignons les profils de conduite par intergare », et Cyril de conclure « notre objectif à travers ces études, est d’être toujours plus proche des usagers et de leurs besoins ».

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